Assomption de la Vierge Marie – Le Titien.
Lc 1, 39-56
« Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! «
Homélie de Fr Arnaud Blunat :
Version phonique :
Version écrite :
Marie toute en Dieu
D’un bout à l’autre de son existence, Marie est toute en Dieu. Rien en elle n’échappe à l’Amour de Dieu. Quand elle vient au monde, elle est déjà épargnée par le péché. A plus forte raison, quand elle quitte ce monde, elle ne connait pas la mort, ni la corruption du tombeau. C’est une grâce unique qui a été faite à Marie. Parce que non seulement par elle Dieu a pu venir dans notre humanité et se faire homme, mais aussi parce qu’en elle, nous voyons déjà ce que nous serons un jour. Tous rassemblés en Dieu.
Les textes que nous venons d’entendre ne nous aident pas forcément à nous représenter le mystère de l’Assomption :
– La vision de la femme dans l’Apocalypse de Saint Jean correspond-t-elle à cette vérité de foi que l’Église enseigne désormais de manière certaine depuis plusieurs décennies ? Beaucoup de commentateurs se plaisent à dire que cette femme représente l’Église affrontée aux persécutions et qui est préservée de la mort.
– Le psaume 44 évoque un cortège nuptial qui là encore pourrait évoquer toute l’humanité présentée à Dieu comme une épouse.
– Le passage de la lettre de Saint Paul aux Corinthiens précise que tous les hommes meurent en Adam, mais que tous recevront la vie dans le Christ. Marie échapperait-elle à cette règle commune ?
– Enfin le récit de la Visitation nous parle d’une rencontre, certes exceptionnelle, entre Marie et Élisabeth, les deux cousines, mais n’est-ce pas une expérience si incarnée, qui ressemble à tant de nos rencontres ? Où serait le lien avec l’Assomption de Marie ?
Et bien, détrompons-nous, ces textes ne sont pas là pour camoufler un manque, une absence de références pour justifier le mystère de l’Assomption. Ils sont là, au contraire, pour l’éclairer et le confirmer.
Ainsi, la vision de Saint Jean évoque avant tout une situation dramatique, un combat, une menace de mort qui plane sur le monde. Nous le savons, c’est notre humanité dont l’avenir n’est pas assuré, en dépit de bien des théories et des prévisions. Notre humanité qui, comme le dit Saint Paul, crie dans les douleurs d’un enfantement qui dure. Elle vit une transformation qui n’est toujours pas achevée mais qui prendra fin lorsque Dieu le voudra. La femme décrite par Saint Jean est mise à part, épargnée, protégée, ainsi que l’enfant qu’elle a mis au monde.
L’Église a beaucoup réfléchi et médité sur ce qui est dit de Marie dans les évangiles, et en particulier sur cette expression : « pleine de grâce » prononcée par l’ange Gabriel à l’Annonciation. Marie est tellement l’objet de la faveur de Dieu qu’elle a été choisie pour être sa demeure privilégiée. En elle et par elle, Dieu a voulu se faire homme. Mais pour cela, il fallait une grâce particulière. Il fallait que Marie ne soit pas atteinte par le péché qui conduit à la mort. Il fallait que Marie soit créée dans la condition originelle, voulue par Dieu, avant l’irruption du péché. Ce ne pouvait qu’être une grâce. L’expression « pleine de grâce » prend ici tout son sens.
Le psaume 44 évoque la présentation d’une princesse fiancée à son roi. Si Marie a été conçue sans péché, elle vit dès lors dans cette innocence, cette harmonie, cette joie, qui est celle des noces. Elle est toute orientée vers ce moment de la rencontre, de cet instant où elle va paraitre devant son roi. L’Assomption de Marie est dans la logique de ce qui a été initié. Marie n’ayant pas connu le péché par une grâce exceptionnelle, n’avait pas à connaître l’épreuve de la mort, la dissociation de son âme et de son corps. Sa condition de première créature glorifiée ne s’est faite qu’en vertu d’une grâce acquise par son Fils. Dès lors Marie est déjà disposée à connaître la joie des noces.
Pourtant, Saint Paul précise bien que tous les hommes meurent en Adam. S’il ne dit rien d’un quelconque statut réservé à Marie, c’est que ce mystère ne pouvait se comprendre sans l’épreuve du temps. L’Église, au travers des controverses des premiers siècles, va approfondir et préciser les vérités de foi sur le Christ, la Trinité, l’Incarnation. La destinée de Marie se dévoile et se déploie ainsi dans le sillage de Jésus. Il était normal que la dernière pierre de cet édifice, comme une clef de voute, soit le mystère de l’Assomption de Marie.
Aussi, en relisant l’épisode de Saint Luc, nous comprenons que ce qui est en train de se passer entre ces deux femmes dépasse la cadre proprement naturel. Certes, elles expérimentent ce que toutes les femmes vivent, lorsqu’elles sentent leur enfant bouger dans leur corps. Mais cela va bien au-delà.
Élisabeth est d’abord toute bouleversée car elle établit immédiatement un lien entre ce qui lui est arrivée et ce qui est arrivée à Marie. Dieu se révèle là avec une force irrésistible. Élisabeth comprend instantanément que Marie a été l’objet d’une faveur unique : « tu es bénie entre toutes les femmes ». Élisabeth sait bien que tout au long de l’histoire d’Israël des femmes ont été visitées par Dieu, inspirées, en particulier des femmes stériles. Mais la grâce faite à Marie dépasse tout ce qui a pu se passer jusque là.
Le Cantique que Marie entonne alors, que nous appelons le Magnificat, le confirme avec éclat. Marie sait que Dieu est présent avec elle, en elle, et en particulier au moment le plus inattendu, il a été là : « il s’est penché sur l’abaissement, l’humiliation de sa servante, désormais tous les âges me diront bienheureuse ». Oui, on n’oublie trop souvent ce que Marie a vécu. Elle en témoigne avec discrétion et pas seulement humilité. Marie a vécu et vivra encore des épreuves mais sans cesser d’être unie à Dieu. Elle sait être humble, mais elle sait aussi exulter en Dieu, sans fausse modestie, et avec une incroyable liberté, en toute connaissance, parce que, précisément elle vit tout en Dieu. Alors, quand elle dit qu’il élève les humbles, elle ne fait pas que reprendre un élément du cantique d’Anne ou l’un des psaumes, elle annonce ce qu’elle-même connaîtra, comme étant l’ultime manifestation de cette plénitude de grâce dont elle a bénéficiée.
Vous le voyez, frères et sœurs, l’Assomption constitue la clef pour ouvrir la porte de l’avenir, de notre avenir. Car Marie entre la première dans ce Royaume qui nous sera donné en héritage, mais pas tout de suite pour nous. D’une manière qui nous échappe, il nous faudra attendre le moment où le Christ viendra pour achever ce qu’il a commencé, ce déploiement que nous proclamons dans le Credo, quand nous évoquons le jugement final, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, et enfin la vie éternelle. Marie, quant à elle, est déjà parvenue au but. Mais elle se tient à nos côtés, en mère prévenante. Elle nous accompagne tout au long de notre chemin sur la terre. Elle nous invite à faire confiance à son fils, elle nous enseigne à rendre grâce, à croire, à espérer. Oui, puissions-nous jusqu’au bout croire à l’intercession de celle prie pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort.
Fr Arnaud Blunat op.
Lien vers la liturgie florale du jour : Notre Sainte Mère…