La miséricorde. de Fr Benoît-Marie Simon

Zachée – Jéricho

Zachée-Jéricho / Sagesse Orthodoxe

Lc 19, 1-10

 » le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Enregistrement et texte de la prédication : 
 La miséricorde à coup sûr ?
        Comment ne pas rendre grâce à Dieu, en entendant ces paroles : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » ! Et pourtant, en les prononçant, et surtout en les incarnant, le Christ a heurté une partie de son auditoire !
        On serait tenté de penser que ce sont de simples murmures, et qu’ils sont le fait d’une toute petite minorité. Sauf que, nous le savons, tout cela aboutira à la décision de mettre à mort Celui qui nous apporte le salut. On aurait, tort, par conséquent, de sous-estimer cette opposition. Reste à en comprendre le motif.
        D’abord, vous l’aurez remarqué, le Christ ne dit pas que les pécheurs n’ont plus à se préoccuper de rien, qu’ils peuvent dormir tranquilles. Il promet de venir les chercher… ce qui n’est pas tout à fait la même chose, car il faut encore que ceux-ci l’accueillent et Le suivent. Bref, et c’est un premier point, pour recevoir la miséricorde, il faut en avoir le désir. Soyons plus précis : il faut aller à la rencontre de Celui qui vient nous chercher, à l’image de Zachée qui court au-devant de Jésus et monte sur un arbre pour Le voir.
        Autre point important. Le publicain de l’évangile décide de changer de vie, en se débarrassant de ses biens et, surtout, en réparant les torts qu’il a pu faire. Bref, il se reconnaît pécheur, humblement et sans discuter.
        Vous me direz : s’il le faut, nous sommes tous prêts à nous reconnaître pécheur. Et d’ailleurs, nous l’avons fait au début de cette eucharistie.
Sans doute, mais est-ce que cela exige, de notre part, une grande humilité ? Zachée est montré du doigt, car, au milieu de cette foule, lui seul est un publicain. Nous, à la messe, on nous demande simplement d’admettre que nous sommes pécheurs, comme les autres ! Avouez, que ce n’est pas pareil ! D’une part, cela reste vague et anonyme. Et, d’autre part, si c’est le lot de tous, cela cesse d’être vraiment humiliant. Au contraire même, cela nous permet d’avoir bonne conscience, en ne nous mettant pas au-dessus des autres !
        Ainsi donc, il ne suffit pas de se reconnaître pécheur, comme tout le monde, il faut, encore, voir et confesser le péché précis que nous commettons, comme si nous étions les seuls à le commettre, et sans se justifier si peu que ce soit.
        Voilà qui, tout d’un coup, devient beaucoup plus exigeant ! D’autant plus qu’il faut, en même temps, décider de se convertir, comme Zachée ! Comment, en effet, regretter vraiment son péché, si on ne désire pas sincèrement ne plus le commettre ?
        Tout ceci pour dire que les choses ne sont peut-être pas aussi simples qu’il n’y paraît à première vue ! Et nous aurions tort de croire qu’on peut, sans problème, imiter l’humilité de Zachée. Or, si Zachée n’avait pas été humble, jamais le Christ n’aurait pu lui dire : « Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi ». Du coup, le salut ne serait pas entré dans sa maison, il n’aurait pas transformé son cœur. Bref, il serait resté quelque chose d’abstrait.
        En clair, la miséricorde ne peut produire sa puissance de résurrection dans le cœur humain, que si celui-ci la demande humblement, avec un cœur contrit !
Et c’est, très précisément, ce que nous sommes invités à vivre dans le sacrement de la réconciliation ! Bien sûr, on y reçoit le pardon du Seigneur. Mais, auparavant, on confesse ses péchés personnels, en regrettant sincèrement d’avoir offensé Dieu, et en promettant de se convertir et de faire pénitence. Et ce n’est pas une simple formalité. La preuve, en donnant aux apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de remettre les péchés, le Seigneur a précisé : « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn. 20, 23).
        Rassurez-vous, cela ne signifie évidemment pas que le prêtre doive décider si Dieu pardonne ou pas. C’est l’affaire de Dieu seul, et nous ne sommes que ses ministres. Mais alors, qu’est-ce que le Christ attend du confesseur ? Tout simplement qu’il fasse attention à ce que les gestes et les paroles du pénitent soient authentiques, afin qu’il puisse recevoir le salut, à travers ce sacrement.
        Ne l’oublions pas, il ne s’agit pas tant d’effacer une dette, que de se réconcilier avec quelqu’un. Alors, pas plus qu’on ne peut recevoir le don d’une amitié sans la désirer et la demander, on ne peut recevoir la miséricorde sans supplier humblement Dieu de nous pardonner. En ce sens, le pardon ne peut pas être quelque chose d’automatique. Tout simplement parce que c’est un geste d’amour, et que l’amour est toujours gratuit. D’ailleurs, vous le savez très bien, dès que vous êtes l’offensé, et que c’est à votre tour d’accorder le pardon.
        Vous l’aurez compris, en refusant de reconnaître humblement nos fautes, nous faisons obstacle à la miséricorde. Or, malheureusement, nous sommes orgueilleux. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment nous accueillons les reproches, même lorsque nous les méritons !
        En même temps, excuser systématiquement les autres, c’est leur rendre un très mauvais service ! Voilà pourquoi, dans l’exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia, le saint pape Jean-Paul II a stigmatisé la tendance actuelle qui « à force de grossir les conditionnements indéniables et l’influence du milieu et des conditions historiques sur l’homme, limite sa responsabilité au point de ne pas lui reconnaître la capacité d’accomplir de véritables actes humains« .

Fr Benoît-Marie SIMON op.

Lien vers la liturgie florale du jour: Zachée descend…