Jour de Noël 2020
Is 52,7-10 ; Ps 97 ; He 1,1-6 ; Jn 1,1-18
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud
Trois termes définissent dans ce prologue Celui qui prend chair de la Vierge : parole, vie, lumière. Trois mots qui évoquent étonnamment l’acte créateur des origines, trois mots qui nomment ici l’origine nouvelle, la nouvelle création. Une création que le Père refait en son Fils, à partir de sa propre origine à Lui. Dieu fait du neuf à partir de Lui-même, en Lui-même. Autant dire qu’il fait du neuf pour toujours, du neuf qui en finit avec la vétusté de ce monde, marqué qu’il est par le péché et par la mort. Toute chose de cette terre, et jusqu’au plus bas, est ancrée désormais au plus haut du mystère de Dieu. Toute chose de cette terre, et jusqu’au plus égaré, est hébergée désormais au cœur même de l’intimité de Dieu, dans ce mystère qui unit de toute éternité le Père, le Fils et l’Esprit. Révélation inouïe du mystère de la Nativité tel que le prologue nous invite à le contempler.
Parole, vie, lumière. Pour cheminer quelque peu dans ce mystère, il faudrait orienter notre regard sur ce que cette terre porte de plus beau en fait de commencement : oui, bien sûr, un bébé !
Parole : Qui ne s’est pas émerveillé de l’avènement à la parole chez l’enfant, de ses mots reçus et redonnés qui expriment une relation, une transmission, une familiarité, une communion. Dieu est Parole parce qu’il est communion, parce qu’il est amour. Il n’existe pas si je puis dire en dehors de cette communion puisque c’est-là son être même. Dieu ne se fait donc pas tout seul, il est comme nous ! Ou plutôt le contraire : en cela même nous sommes à son image. Chaque homme advient à son humanité, son identité unique, par l’accueil d’un autre et le don de soi à l’autre. Quand Dieu se fait tout petit d’homme, ayant nécessité vitale des autres pour devenir qui il est, rassurez-vous, il n’est pas trop dépaysé, aussi inouï que soit ce mystère. A l’homme désormais de découvrir que lorsqu’il devient enfant de Dieu, il n’est pas plus dépaysé de sa propre humanité que Dieu ne l’est de sa divinité en se faisant enfant des hommes. A la crèche, nous contemplons l’humanité révélée à elle-même dans le cœur de Dieu tout autant que le cœur de Dieu révélé à notre humanité.
Vie : Qui ne s’est pas émerveillé en se penchant sur un berceau devant le mystère de la vie à son commencement ? Quel cadeau confondant que le don de la vie, et les parents sont bien les premiers à s’en émerveiller ! Oui, la vie est le plus beau et le premier de tous les dons de Dieu. Et Dieu trouve sa Gloire dans ce don de la vie, il jubile pour chaque vie qui s’éveille en ce monde, même s’il s’assombrit assez vite par la suite ! Comme il importe de contempler dans le Verbe fait chair le don de la vie en sa source même. Les risques sont grands en effet aujourd’hui de faire de la vie notre seule affaire et par conséquent de la couper de sa source transcendante et mystérieuse. Nous l’exposons dangereusement alors à tous les caprices dont notre humanité n’est que trop capable. Quand bien même nous prétendons la servir, nous ne faisons que l’asservir à nos instincts possessifs, égoïstes et mortifères. Contemplons le mystère de la vie à sa source même en contemplant Jésus à la crèche. Là nous est révélé le mystère infini et sacré de toute vie humaine.
Lumière : Beauté lumineuse d’un nouveau-né où se contemplent pureté, limpidité, innocence. Reflet même du mystère de Dieu, expression de sa lumineuse simplicité. Avec l’incarnation du Verbe, cette simplicité de Dieu se fait folie : le Père livre son propre Fils entre nos mains et le met en état de dépendance et de fragilité absolues. Réalité confondante qui nous laisse également confondue. Voici que la lumière de source, virginale, se répand sans réserve et sans retour jusqu’aux plus ultimes recoins de la ténèbre de ce monde. Et si c’était cela la véritable grâce de Noël ? La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres n’ont rien pu faire contre elle. Car il suffit à la lumière d’apparaître pour que disparaissent les ténèbres. C’est ainsi que toute malfaisance s’anéantit dans l’innocence de Dieu, toute duplicité dans sa limpidité, toute perversion dans sa pureté. Que la lumière du Verbe fait chair chasse donc toute ténèbre. Croyons cela possible en ce monde comme en notre propre cœur, en pure grâce pascale de Noël. Et que le Verbe fait chair soit toute notre joie.