17 avril 2022
Messe du jour de Pâques
Ac 10,34…43 ; Ps 117 (118) ; Col 3,1-4 ; Jn 20,1-9
Homélie du frère Denys Sibre
Vous l’avez sans doute remarqué… En ce petit matin, il y a beaucoup de mouvement… Que de va et vient ! On marche, on court, on s’arrête, on repart… Une véritable chorégraphie autour d’un tombeau curieusement vide… Étrange ballet des premiers témoins de la Résurrection. Vous les avez reconnus… Ce sont nos frères et sœurs. Avec eux, retrouvons la fraîcheur de nos sources.
Tout d’abord, il y a Marie, Marie de Magdala, Marie la pécheresse. Une ancienne prostituée qui s’est mise à la suite du Rabbi Jésus de Nazareth. Mais dites-moi, qu’est-elle venue faire ce matin? Finir les rites d’ensevelissement? Sans doute. Peut-être aussi revoir une dernière fois Celui qu’elle a aimé.
C’est alors que le vide du tombeau la bouleverse. Mais en réalité, elle était préparée, peut-être mieux que les autres, à ce grand événement. Le tombeau, oui, ce tombeau mais c’est son propre cœur que le Seigneur a vidé de tout péché et de toute mort.
À vrai dire, l’expérience de la Vie Nouvelle, elle l’a déjà faite en son corps quand le Maître lui a rendu sa jeunesse, son innocence, sa dignité en lui faisant le don de sa grande miséricorde. Elle qui a été si radicalement guérie de son mal, elle est bien placée pour savoir que le Christ descend aux enfers pour en délivrer tous les prisonniers. Voilà sans doute pourquoi elle est la toute première à déchiffrer les signes de la résurrection.
Et puis, il y a Pierre, Pierre l’impulsif, Pierre le généreux, Pierre l’impétueux, toujours en première ligne, même quand il se trompe. Rappelez-vous : mais c’est lui qui est capable de reconnaître : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant » (Mt 16,16) et de méconnaître, de renier même : « Pierre, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ! » (Mt 26,34)
Ce matin, Pierre est là, à la fois croyant et hésitant… et puis tout bascule, tout s’éclaire. Pierre naît à la vraie foi, à la foi totale. Il croit au point que cet acte de foi si matinal deviendra ce qu’il est: Pierre, c’est à dire ce roc sur lequel est bâtie la foi des Apôtres et c’est alors qu’il proclamera: « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins ! » (Ac 2,32)
Et enfin il y a Jean, Jean le contemplatif, Jean le silencieux. Celui qui parle peu mais qui comprend beaucoup: « Il vit et il crut » (Jn 20,8). Celui qui fut si proche du Maître, celui qui reposa sur son cœur, comment ne serait-il pas le premier à pénétrer le sens du tombeau vide, le premier à reconnaître en esprit la vérité de la Résurrection? C’est lui qui nous apprend que Dieu est Amour et que Jésus est la Résurrection et la Vie. Et il nous laissera cette parole fulgurante: « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la Vie parce que nous aimons nos frères » (1 Jn 3,14).
Marie, Pierre, Jean. Trois figures. Trois regards différents sur le même mystère. C’est comme si la Résurrection était quelque chose de trop riche, de trop vaste pour être contenu dans un seul cœur. Ces trois figures en fait sont une image de l’Église. De cette Église qui est communion de personnes si différentes que le Ressuscité rassemble et qui dans l’unité confessent le Ressuscité.
Et nous, nous sommes là ce matin. Et nous confessons la Résurrection et nous la chantons.
Croire, croire de foi chrétienne, c’est d’abord croire que Jésus est ressuscité: « Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est notre foi », dira Saint Paul (1 Co 15,14).
Ressuscité. Entendons-nous bien. Ça ne veut pas dire que Jésus est revenu à la vie d’avant le tombeau. Non ! Il est passé à une Vie toute autre, à la Vie sans fin, à la Vie Nouvelle, à cette Vie Nouvelle qui a saisi toute son humanité, Vie Nouvelle bien réelle, plus réelle que notre vie de chair.
Oui, Christ est ressuscité ! Et nous avec. Car il nous entraîne avec Lui. L’événement de la Résurrection est l’événement par excellence. Il n’y en a pas de plus grand. Désormais, tout est orienté autrement. Une brèche est ouverte. Un pays tout nouveau nous attend, plus rien n’est comme avant.
Tout dernièrement, quelqu’un me disait: « Tout ça, ce n’est pas vrai! Rien n’a changé. Tout est toujours pareil. Le monde est toujours pareil. Et nous aussi, toujours pareils. »
Eh bien non! Ce n’est plus pareil! Non seulement parce que le Christ est réellement ressuscité mais surtout parce que le Christ ressuscité est réellement avec nous.
Quand nous sentirons le poids de la vie, quand nous aurons la sensation du vide et l’impression que Dieu nous abandonne, nous saurons que la force de la Résurrection nous accompagne et qu’elle travaille dans tout ce qui parait nous détruire. Oui, plus rien n’est comme avant!
Voilà ce qu’il faut dire à notre monde. Lui dire que depuis le petit matin de Pâques il y a une indomptable force de Vie Nouvelle, lui dire que la foi est autre chose qu’une habitude, lui dire que Dieu est infiniment plus jeune, infiniment plus compatissant qu’on ne le dit.
Petite poignée de disciples que nous sommes, n’oublions jamais que la puissance de la Résurrection est dans notre cœur, dans nos mains, sur nos lèvres.
Alors partons et chantons :
« Christ est vraiment ressuscité ! Alleluia ! »