Quand l’amour commande

5 mai 2024 – 6e dimanche de Pâques, année B
Ac 10,25-26.34-35.44-48 ; Ps 97 (98) ; 1 Jn 4,7-10 ; Jn 15,9-17
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud



Au cœur de cet évangile dont l’amour est le thème central, Jésus nous parle d’un acte-source, un acte d’amour unique. Cet acte, c’est la dépossession de sa propre vie jusqu’à la mort et tel est bien l’amour du Christ pour nous. Cet acte est unique parce que Celui qui donne ainsi sa vie jusqu’au plus mortel de la mort possède la vie en plénitude. Pour le 4ème évangéliste, l’amour (agapè) ne relève en rien d’une prose inconsistante, d’un vague sentiment ou d’une émotion plus ou moins intense. Il renvoie à cet acte unique, décisif et définitif, il renvoie au Christ en sa Pâque. Et tout amour authentique qui surgit en ce monde peut trouver dans cet amour unique sa source, son sens, son accomplissement.

Comment caractériser quelque peu cet amour de Dieu manifesté en son Fils, un amour qui accomplit définitivement tout ce que l’histoire sainte nous révélait progressivement de Dieu au point de pouvoir affirmer maintenant : « Dieu est amour » ? Il s’agit avant tout d’un amour qui a pris l’initiative de nous rejoindre alors même que nous ne le méritions pas, un amour qui ne désespère jamais de commencer quelque chose avec nous : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimés » vient d’affirmer la 1ère lettre de St Jean et St Paul pourra dire : « la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5,8).

Quand on s’expose aux autres, c’est toujours une entreprise risquée ! En général, lorsqu’une telle initiative n’est pas payée de retour, voire se solde par de l’indifférence, de la méchanceté ou même du mépris, on s’éloigne et on n’y revient pas. Le Père fait tout le contraire. Le refus répété des hommes l’a progressivement conduit jusqu’à l’extrême du don, jusqu’à l’envoi de son propre Fils, et on sait ce qu’il en est advenu. Ce refus n’a fait que provoquer chaque fois un surcroit d’amour et un amour qui veut faire de nous des amis c’est-à-dire, nous faire partager l’intimité même de la vie de Dieu. Car Dieu sait, si je puis-dire, que ce n’est qu’ainsi que le cœur de l’homme pourra être retourné, complètement et définitivement.

Voilà donc le véritable amour qui nous est ainsi révélé, un amour dont nous n’avons presque pas idée ici-bas et dont nous ne faisons jamais qu’une expérience infinitésimale. L’expérience qui s’en rapproche le plus est celle de la miséricorde et du pardon. Si l’on veut cheminer vers un tel amour, il ne peut que prendre pour nous la forme d’un commandement, d’une injonction absolue. Car il défie nos logiques humaines, nos sages raisonnements, nos réactions habituelles. Pour apprendre à aimer Dieu et à nous aimer comme il nous aime, cet amour doit impérativement commander notre vie, envers et contre tout parfois. Seul un tel amour peut exiger cela de l’homme.

Ce n’est qu’en vivant un peu chaque jour d’un tel amour que l’on perçoit combien il est cela seul qui compte, cela seul qui est digne de foi, cela seul qui demeure. Ce n’est qu’en participant à cet amour unique que l’on perçoit combien tout agir est vain en dehors de lui, tout discours dérisoire, tout amour de ce monde voué à la mort. L’amour est bien un commandement, le seul et unique commandement : radical, impérieux, absolu, irréfutable. A cet amour-là, ou je me convertis ou je cours tout droit à la mort.

Désormais, tout amour humain, tout acte petit ou grand, tout geste et toute parole d’une vie d’homme, tout peut être investi par cet amour unique et lui faire porter un fruit d’éternité. Car l’amour indépassable du Christ n’exige de personne aucun héroïsme que ce soit. Il signifie au contraire que les plus humbles réalités de notre petite vie ont une grandeur insurpassable si cet unique amour les rejoint, les abreuve, les purifie, les renouvelle, les transforme. Qu’il en soit donc ainsi pour chacun de nous, chaque jour !

Une réponse à “Quand l’amour commande”

  1. Merci à Damien d’avoir si rapidement mis en ligne cette homélie, et merci mille fois à Jean-Marc pour cette « mise au point  » lumineuse de ces paroles obscures malgré les apparences : tu aimeras le Seigneur ton Dieu, voici le commandement nouveau et pour finir cette définition insensée « Dieu est amour « . Tout ce qu’il faut gratter, éliminer pour arriver à la vraie source, à l’eau vive…
    Au travail !
    Marie-José

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