Grâce divine et liberté humaine

28 avril 2024 – 5e dimanche de Pâques, année B
Ac 9,26-31 ; Ps 21 (22) ; 1 Jn 3,18-24 ; Jn 15,1-8
Homélie du frère Damien Duprat



« Demeurez en moi, comme moi en vous », vient de nous dire Jésus. Comment demeurer en Jésus ? S. Jean a répondu à cette question dans la seconde lecture : « Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ». Et ses commandements, nous les connaissons : ce sont par exemple les 10 commandements donnés par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï. À la différence d’autres règles de vie secondaires du peuple d’Israël, comme les préceptes alimentaires, Jésus maintient ces préceptes du Décalogue et il les résume dans les deux grands commandements : tu adoreras Dieu seul et tu l’aimeras plus que tout, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si nous vivons selon ces règles de vie, alors nous demeurons en Dieu, et nous recevons sa vie divine tout comme les sarments vivent de la sève qu’ils reçoivent du cep qui les porte.

Et pourtant nous ne saurions en rester là dans notre méditation. En effet, Jésus nous parle aussi des fruits que nous portons à la condition expresse de demeurer en lui ; et que peuvent être ces fruits, sinon une vie sainte, une existence menée selon l’évangile ? Autrement dit, si nous demeurons en lui de même que le sarment demeure greffé sur la vigne, alors nous agissons en communion avec lui si bien que nos œuvres lui sont agréables.

Mais alors nous voilà peut-être un peu perplexes, puisque Jésus nous dit en résumé deux choses : d’une part, si vous vivez selon mes commandements, alors vous demeurerez en moi ; et d’autre part, si vous demeurez en moi, alors vous mènerez une vie juste, selon mes commandements. On a l’impression de tourner en rond !

Nous touchons là l’un des sujets les plus délicats de la théologie : l’articulation entre l’action de Dieu et la nôtre, entre sa grâce et notre liberté. Disons d’emblée que nos intelligences humaines sont trop faibles pour comprendre vraiment ce mystère. « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », nous dit Jésus ; rien. Même la démarche initiale qui consiste à se tourner vers lui, par exemple en demandant le baptême, pour pouvoir ensuite porter grâce à lui de beaux fruits, même cette initiative qui est l’expression authentique d’une liberté humaine est déjà portée et soutenue par la grâce de Dieu. Dieu nous attire à lui de multiples manières ; il lui arrive également de se manifester à nous d’une façon spectaculaire, comme ce fut le cas pour Saul, devenu saint Paul.

Chacun de nous, en relisant son histoire, peut probablement identifier des interventions divines variées qui l’ont poussé à croire en Dieu et à conformer davantage sa vie à l’Évangile. Et si parfois de telles impulsions divines nous semblent irrésistibles, c’est tant mieux ! Cela ne veut pas dire que Dieu fait violence à notre liberté, mais plutôt que nous avons compris combien il est bon, combien il mérite d’être choisi comme le but de notre vie et aussi comme notre compagnon de chaque instant.

Il y a sans doute aussi des situations où nous ressentons plutôt au contraire, nos résistances intérieures face aux exigences de l’amour de Dieu. Il n’est pas toujours facile d’aimer non seulement en paroles et en discours, mais par des actes et en vérité. Il n’est pas facile de rester fidèlement un disciple du Christ. Jusqu’au bout de notre vie, le risque existe de nous affadir, de cesser de porter du fruit ; cela advient par exemple si nous refusons que notre Père céleste nous purifie en nous taillant, pour que nous portions davantage de fruit.

Certaines épreuves de la vie peuvent ébranler notre foi, ébranler notre fidélité au Christ. De tels moments sont des occasions privilégiées, très importantes pour nous attacher d’autant plus fermement à Dieu, au Christ, afin d’éviter que, si nous cessions de porter du fruit, nous soyons comme ce sarment dont nous parle Jésus : un sarment qui, au départ, est bien greffé sur le cep, mais qui, pour diverses raisons, cesserait de porter du fruit. Ce sarment, Jésus nous le dit : mon Père l’enlève, il est jeté dehors, il sèche, on le jette au feu et il brûle. Ce serait pour nous le plus grand malheur d’être ainsi séparés de Dieu pour l’éternité.

Il y a donc cet enjeu d’accepter ces purifications variées qui peuvent survenir au cours de la vie, parfois à l’improviste : telle ou telle difficulté, telle ou telle prise de conscience… Sachons saisir ces occasions comme des cadeaux que Dieu nous fait, en croyant bien qu’il ne permet pas que nous soyons éprouvés au-delà de nos forces : quand Dieu permet une épreuve, il nous donne aussi la force de la surmonter (cf. 1 Co 10,13). Bien sûr, pas tout seuls : il nous faut compter sur la grâce de Dieu. C’est en particulier pour cela que Jésus nous encourage à prier, à demander l’Esprit Saint : de même que le sarment a besoin de la sève de la vigne, dont il n’est pas la source mais qu’il reçoit du cep, de même nous avons besoin de l’Esprit Saint. Jésus nous le dit : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous ». Cette parole est impressionnante ; nous aurions tort de la laisser passer sans y faire attention, de ne pas faire confiance à cette parole du Christ ! Voilà qui doit nous stimuler à garder sa parole vivante dans nos cœurs et de la traduire dans nos actes, afin de réellement demeurer en communion avec lui et de marcher ainsi, d’une façon sûre, vers la vie éternelle.

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