29 mai 2022
Septième dimanche de Pâques, année C
Ac 7,55-60 ; Ps 96 (97) ; Ap 22,12-14.16-17.20 ; Jn 17,20-26
Homélie du frère Marie-Philippe Roussel
En ce printemps, le temps des mariages a commencé. Les cloches sonnent et les fleurs volent. Et certains racontent qu’à la sortie de l’église, le marié, sans doute bien préparé par un frère dominicain, s’écria, regardant la mariée : « Désormais, nous ne ferons plus qu’un ! » Et la mariée de répondre, dubitative : « Reste à savoir lequel ! ». Unité, que de divisions ont été faites en ton nom ! Car nous sommes sans cesse à la recherche d’unité. D’abord, avec nous-mêmes. Ne disons pas que nous sommes souvent dispersés, perdus. Comme si notre être était morcelé. Comme une homélie à laquelle vous prêtez une oreille bienveillante alors que vous savez que vous allez décrocher à un moment. Ensuite, avec les autres. La presse étale sans cesse les divisions de la société, pas besoin d’en citer.
Qui pourra être notre modèle d’unité ? Qui pourra nous donner les moyens de l’unité ? Le Seigneur en ce jour livre à notre intelligence le modèle unique de l’unité, Dieu, et notre appel à refléter l’amour de Dieu.
Nous croyons en un Dieu unique. Il n’y a qu’un. Cela signifie qu’en Dieu, tout est un : les trois personnes, le Père, le Fils, l’Esprit, ne sont qu’un. En lui, qu’une substance, qu’une volonté, qu’une sagesse. Sa justice ne fait qu’un avec sa miséricorde, sa puissance avec sa paix. Une même gloire et une même adoration. Unité de substance dans la communion des personnes, unité non seulement de nature mais d’amour. En Dieu seul est la Vie, est l’Amour. En ce monde, tout ne peut être que pâle imitation.
Parce que Dieu est un, Une est son Épouse, l’Église, en qui se forme l’unité de peuple humain, déjà accomplie au Ciel, encore à réaliser sur cette terre. L’Église reçoit tout de son Époux qui s’est livré pour elle. En elle, nous comprenons que notre unité n’est pas une fusion, sans respect pour l’altérité, ni une cohabitation, sans un désir profond de ne faire qu’un. Qu’il est doux et bon pour des frères de vivre ensemble, d’être unis dit le Psaume. L’homme quittera ses parents, s’attachera à la femme pour ne faire qu’un. Toute communauté formée par le Christ, spécifiquement le mariage, est appelé à refléter l’unité dans l’amour, dans le don aux autres. Dieu n’en est pas seulement le modèle mais il le réalise en nous, entre nous, avec Lui. Car nous ne sommes pas Narcisse, refusant toute marque d’affection des autres, voulant refléter sa propre image qui sera synonyme de mort pour lui. Nous avons à accueillir toutes les marques de tendresse de notre Dieu, que réalise l’Esprit en nous, et à vouloir à refléter l’image de Dieu, synonyme de vie éternelle.
Pour que nos actions reflètent l’amour de Dieu, il ne s’agit pas pour nous d’être d’abord à la manœuvre. C’est Dieu qui nous mène à Dieu, c’est l’Esprit Saint qui forme en nous l’image du Fils pour que nous soyons enfin des véritables enfants du Père Céleste. Et dans l’œuvre de l’Esprit à laquelle nous coopérons, nous pouvons distinguer trois aspects que je pourrai désigner par les trois co de l’Esprit Saint ou cococo si vous préférez.
L’Esprit Saint nous corrige. Il redresse ce qui est tordu. Pourquoi ? Le lévitique nous l’avait annoncé : Soyez saints car moi, Dieu, je suis saint. Jésus nous l’a confirmé : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Tout ce qui est indigne de Dieu, haine, jalousie, adultère, tiédeur, cupidité, l’Esprit Saint nous fait sentir à quel point ceci est contraire à l’être nouveau que nous sommes devenus par le baptême. Que si nous ne les écartons pas de nous progressivement, nous n’imitons pas Jésus Christ. Or, si tant de personnes cherchent à imiter des modèles humains, que ce soit des modèles de performance ou d’harmonie terrestre, nous, nous imitons Celui qui est vrai Dieu et vrai Homme, en qui réside la plénitude de la divinité, par qui nous est montré le grand amour que Dieu a pour nous. Désirer comprendre notre foi, désirer les sacrements, désirer mettre en cohérence notre vie et notre foi, voilà l’œuvre du Saint Esprit qui nous unifie de plus en plus à Dieu et qui repousse l’esprit du diable, le diviseur.
L’Esprit Saint nous entraine dans la confession. Pour témoigner dans le monde de Celui qui est venu sauver le monde. Cette profession, celle des apôtres est simple : j’ai confiance en Jésus, je crois donc en ce qu’il me dit. Qu’Il est Fils d’homme et fils du Père Céleste avec qui il ne fait qu’une substance, qu’il est l’Alpha et l’Oméga, celui en qui tout prend sa source et tout prend son sens. Qu’il est le Rejeton, la pierre rejetée, né dans le temps de la descendance de David, Soleil qui n’aura pas de fin et qui s’est manifesté avec puissance au matin de la Résurrection. Comme saint Étienne, dans la foi, nous pouvons dire : je vois les Cieux ouverts car Jésus glorifié a laissé la porte ouverte pour que nous montions avec Lui dans la gloire. Et en voyant les cieux, je ne peux voir que Jésus car la vie éternelle, c’est contempler Dieu. Le Paradis, c’est être avec Jésus comme le bon larron l’a appris. Comme saint Étienne, dans la charité, nous pouvons tout remettre à Jésus dans l’abandon et supplier pour nos persécuteurs. Confession de foi qui pousse à la confession de vie : qu’à travers les chrétiens que nous sommes, le monde voit le Christ qui vit en nous.
L’Esprit Saint fait œuvre de communion. Lui, le Don du Père et du Fils, ne peut que nous unir au Père et au Fils. Ainsi, nous comprenons ces paroles difficiles : là où je suis, je veux que mes disciples y soient. Il ne s’agit pas d’un lieu mais d’un état : d’être dans le sein du Père, immergé en Dieu. La connaissance du Père dont Jésus parle désigne en grec la rencontre, le face-à-face. Imparfaite ici-bas, elle sera entière au Ciel.
Chers frères et sœurs, à chaque eucharistie, Dieu fait en nous son œuvre : il nous pousse à la conversion, nous professons notre foi, nous le recevons par le Pain de Vie où il est réellement présent. Demandons à l’Esprit de nous conformer de plus en plus à l’image de Jésus Christ et que notre unité soit parfaite. Amen.