« Pour vous qui suis-je ? Prédication du 12ème dimanche du temps ordinaire.

Homélie dominicale de Fr Denys Sibre. (versions phonique et manuscrite)
« Pour vous qui suis-je ? »
« Un jour, Jésus priait à l’écart et ses disciples étaient avec lui… »
Vous l’avez sans doute déjà remarqué, Saint Luc tient à placer les événements importants de la vie de Jésus sous le signe de la prière. Et c’est bien le cas dans l’Évangile qui vient d’être proclamé. Jésus, en effet, est à la veille d’un grand tournant de sa vie, il est à la veille de prendre le chemin qui le conduira à Jérusalem, autrement dit à sa passion et à sa mort. Tout donne à penser que dans sa prière, il s’en remet totalement à son Père et qu’en même temps il lui confie tous ses disciples pour qu’ils tiennent bon et qu’ils pressentent quelque chose de la profondeur de son mystère personnel.
Et c’est aussitôt après cette prière que Jésus pose cette étonnante question à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ? »
Habituellement lorsqu’on procède à un contrôle d’identité, ce n’est pas la personne identifiée qui a l’initiative de la question – Ce sont plutôt les examinateurs, les juges, les policiers, les gens de l’administration qui lui posent la question : « Monsieur qui êtes-vous ? Quel est votre nom ? » – Ici, c’est tout le contraire. Nous ne sommes plus dans le registre du juridique ou du réglementaire mais dans celui de la Foi. C’est comme si Jésus avait dit : « Vous mes disciples, vous qui marchez avec moi depuis un certain temps, vous m’entendez, vous me voyez faire…Qu’est-ce que je suis pour vous ? De vous je n’attends pas une revue de presse ou le point de vue de l’opinion. De vous, j’attends une réponse venant de votre cœur, de votre vie, de votre foi. »
Ainsi Jésus provoque ses disciples à se situer personnellement et en profondeur. Sans doute, il dût y avoir d’abord un certain silence. Et puis, Pierre se lance…Comme porte-parole du groupe, il confesse : « Tu es un prophète, et plus qu’un prophète – Tu es celui que les hommes attendent. Tu es celui sur qui repose l’Esprit de Dieu. Tu es celui qui vit une profonde intimité avec Dieu. Tu es venu pour nous libérer politiquement et donner plus de force au Peuple de Dieu dans son combat contre les adversaires ! » – Réponse juste… Oui… Pas tout à fait à vrai dire puisque aussitôt après, Jésus la corrige, ou plutôt la complète d’une manière inattendue : Jésus est bien Messie, mais un Messie tout autre que celui que Pierre proclame. Non pas un Messie politique, conquérant. Plutôt un Messie humble, serviteur. Ainsi les disciples sont-ils entraînés sur un chemin qu’ils ne pouvaient guère imaginer. Marcher avec Jésus, c’est désormais marcher sur une route qui mène à la croix !
La question posée aux disciples nous est aussi posée. Jésus de dire ce soir à chacun de nous : « Tu es chrétien, tu te réclames de moi, tu viens d’écouter ma parole, tu vas recevoir mon corps et mon sang en nourriture, dans ce que tu vis, qu’est-ce-que je suis pour toi ? De toi, je n’attends pas une réponse toute faite, une réponse apprise. Non ! Autre chose. Tout autre chose ! Une réponse venant de ta foi ! »
Frères et sœurs, à la faveur de cette question que nous répercute l’Évangile, prenons ce soir, si vous le voulez bien, un moment pour donner notre réponse. Personne ne peut la donner à notre place. Ta réponse ne sera pas la mienne. Chacun étant unique aux yeux de Jésus, de ce fait, chacun aura une réponse unique à lui donner.
Mais il y a plus. Après avoir précisé quel type de Messie il était, Jésus interpelle ses disciples : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même… »
        Des mots compromettants. En effet, qui reconnait Jésus dans sa vie pour ce qu’il est, doit s’attendre un jour ou l’autre à prendre le chemin qu’il a pris. Parce que le disciple n’est pas au-dessus du Maître. Les mots qui disent la beauté de Jésus ne suffisent pas. Il est nécessaire de joindre les actes à la parole. Oui, si tu confesses le Christ pour ce qu’il est en vérité, sache alors que pour toi s’ouvre un chemin de renoncement.
       Alors me direz-vous : Sombre programme que celui-là ! Certains au cours des siècles n’ont pas manqué, à partir d’un Évangile comme celui-là, de prôner une vision extrêmement doloriste du christianisme, vision dans laquelle le moi serait haïssable et la souffrance la voie royale…
       Attention aux contresens. N’oubliez surtout pas de dire que le message de Jésus est une bonne nouvelle…Mais alors, que veut nous dire Jésus quand il nous invite à renoncer à nous même ?
Renoncer à nous-même mais c’est d’abord renoncer à cette part sombre qui est en nous et qui nous empêche de devenir ce que Dieu désire que nous devenions.
Renoncer à nous-même mais c’est sortir de nous-même, sortir de l’impasse de nos égoïsmes… Apprendre à nous décentrer car le seul détour par l’autre et vers l’autre permettra de nous trouver.
Renoncer à nous-même, c’est refuser de piétiner les autres. C’est consentir à posséder un peu moins pour que d’autres possèdent un peu plus.
Renoncer à nous-même c’est aussi et surtout aimer Jésus – Le préférer à tout – L’aimer au point de lui ressembler un peu. Finalement de donner comme lui s’est donné. En donnant, Jésus a renoncé à tout lui-même. Par amour.
                 » Seigneur Jésus, à l’écart, tu as prié pour tes disciples pour qu’ils aient la force de marcher avec toi. Prié aussi pour nous, pour que nous marchions avec toi. Longtemps. Jusqu’au bout. »
Fr. Denys Sibre op.
Chorale: Au jour de sa chair…
 
Lien vers la liturgie florale de ce jour: « Viens chez moi ».