Rester ou partir, telle est la question

25 août 2024 – 21e dimanche du T.O., année B
Js 24, 1-2a.15-17.18b ; Ps 33 (34) ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69
Homélie du frère Jorel François



Partir ou rester, c’est devant cette alternative que Jésus met ses disciples. Alors que la foule prend sa distance de lui, Jésus invite les Apôtres aussi à se décider et faire un choix radical. Il faut dire que l’heure est grave : Jésus vient de terminer son discours sur le pain de vie et affirme que son corps est vraie nourriture et son sang vraie boisson. Et même : on ne peut avoir la vie éternelle à moins qu’on n’en mange et en boive. Nous comprenons que nous avons ici affaire au réalisme de l’Eucharistie, une question qui faisait sans doute l’objet des réflexions de la première communauté chrétienne et Jean, qui n’a pas rapporté le récit de l’institution dans son évangile, en donne ici un écho.

Il faut bien avoir présent ceci : au départ, il y a le sang d’Abel le juste répandu par son frère meurtrier. Vient alors le fameux « tu ne tueras pas » présent dans toutes les cultures, mais que l’on trouve aussi en particulier dans le livre de l’Exode et le Lévitique. Tu ne verseras pas le sang de l’humain. Il est un autre toi-même, il est image de Dieu. Il suffit, et c’est Emmanuel Lévinas qui le rappelle, que ton visage croise son visage, pour que tu comprennes qu’il t’invite et te supplie au respect de cet interdit.

Et pour que tu ne dises que tu n’avais pas entendu, que tu n’avais pas compris, la bible renchérit : non seulement tu ne porteras pas la main sur ton semblable, mais encore tu ne toucheras pas au sang, ni à celui des humains, ni à celui des bêtes. Le sang, c’est la vie. Le sang, c’est la vie de Dieu en nous. La vie de Dieu dans tout vivant.

Nous sommes d’accord que depuis l’évènement du mont Moriah (cf. Gn 22), le sacrifice humain est aussi interdit. Le tabou du sang des animaux peut toutefois être levé dans le cadre sacrificiel. Quand le prêtre est en acte de médiation, il peut égorger des animaux, en recueillir le sang, pour le répandre et asperger l’autel, des objets et même la foule présente, tout ceci dans une démarche de purification. Autrement, l’interdit est formel, absolu. Il est interdit de toucher au sang, de manger des animaux non saignés, il est évidemment interdit de boire le sang des bêtes et à plus forte raison des humains.

Dans un cadre comme celui-ci, dire que l’on peut donner son corps à manger, et son sang à boire, c’est encourir le risque de se faire prendre pour un fou, à tout le moins, pour quelqu’un qui dit n’importe quoi, et qui ne connaît pas la loi.

Ces paroles sont insensées, réplique la foule, elles sont dures (scleros) à digérer. À moins de croire en la divinité de celui qui les a dites.

Mais là encore, comment Dieu peut-il en même temps permettre et interdire…? Comment peut-il interdire de toucher au sang dans la loi dite de lui et demander d’en boire dans la bouche de Jésus présenté comme Dieu fait homme?

La foule a du bon sens, elle est réaliste. Elle a donc compris le message. Bien instruite et bien formée par les scribes et les pharisiens, elle connaît les Écritures et surtout les interdits alimentaires et autres. Désormais, elle ne suit plus. Elle est perdue. Préférant suivre ses vieilles connaissances, ses habitudes « de toujours », elle laisse tomber Jésus et s’en va rejoindre d’autres sauveurs, d’autres dieux. Et Jésus de demander aux Apôtres de choisir aussi leur camp.

Ne nous soumets pas à la tentation, priions-nous autrefois dans l’ancienne traduction liturgique. Bien sûr, mais Dieu qui nous a créés sans nous ne nous sauvera pas sans nous. Dieu n’est pas dans l’emprise. Dieu n’embrigade pas. Jésus ne veut donc pas s’attacher les apôtres malgré eux. Parce qu’il est Dieu, il veut les laisser libres. Les Apôtres peuvent, comme la foule, s’en aller si c’est bien là leur volonté profonde.

On ne s’approche pas du mystère du fils de l’homme sans devoir se situer, et prendre position. Chacun de nous est alors invité comme les apôtres et tous ceux qui s’approchaient de Jésus à faire le point sur la relation qu’il entretient avec lui, et choisir de partir ou de rester… ou l’autoriser à faire sa demeure en nous.

Une réponse à “Rester ou partir, telle est la question”

  1. Les séductions du monde nous éloignent de Dieu. Il faut apprendre à aimer Celui qui a les paroles de la Vie éternelle pour le suivre. Je crois fermement que Jésus nous attend à chaque carrefour de nos vies; pour que nous revenions de nos égarements. Comme le disait ce philosophe juif , l’Autre m’incombe et donc si je croise son chemin et donc son visage je me dois de l’aider s’il le souhaite à faire partie du petit reste.. Aimer Jésus c’est rester ; aimer son prochain c’est le suivre. Qui connaît le repos en Dieu n’a plus envie de partir.

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