Le Saint Sacrement. Cinq pains et deux Poissons

Liturgie florale – Chapelle des Dominicains à Montpellier
Le Saint Sacrement
Lc 9, 11b-17
« Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ».
Homélie dominicale de Fr Rémy Bergeret: (version phonique)
Prédication de la fête du Saint.Sacrement, Montpellier, 29-5-16 (version écrite)
Quelle est la plus grande des fêtes chrétiennes ? Noël, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte ? Assurément Pâques, la Résurrection du Christ, car elle commande vraiment l’année liturgique et tout lui est ordonné. Or le Temps pascal s’est achevé avec la Pentecôte, nous pensions être rentrés dans le Temps ordinaire et voilà une dernière rafale de trois fêtes thématiques : la Trinité(dimanche dernier), le Saint Sacrement(aujourd’hui) et le Sacré Coeur vendredi prochain. On peut légitimement s’interroger : qu’est ce que ces trois fêtes ajoutent au contenu doctrinal de notre foi qui, pour mémoire, est éminemment christocentrée : le noyau de nos deux Credos, c’est en effet le cri de Pâques « Christ est Ressuscité, Alleluia » et l’on nous a appelés très vite ‘chrétiens’, disciples du Christ.
En fait, même si je ne connais pas les dates précises de leur inscription au calendrier liturgique, ces trois fêtes nous disent, nous manifestent quelque chose d’essentiel sur le mystère de Dieu : Dieu est AMOUR. Fr.Emmanuel nous a fort bien parlé de la circulation d’amour entre les trois personnes divines, de la nécessité impérative qu’ils soient TROIS. Et l’évangile de Jean nous livre des paroles décisives sur cette vie trinitaire dans l’unité. Ainsi cette fête n’est pas seulement thématique, mais fondée dans l’Ecriture. De même, la fête du Sacré Coeur, confirmée par la révélation que Jésus a faite de son coeur miséricordieux à Ste Marguerite-M à Paray le Monial. Du coeur transpercé du Christ, coulent du sang et de l’eau et ils sont trois à témoigner : le sang, l’eau et l’Esprit.
Mais que dire de la fête qui nous rassemble aujourd’hui ? Je dirai qu’il s’agit en quelque sorte du complément du Jeudi saint : l’évangile ce jour-là est centré  sur le lavement des pieds, le service qui est signe de l’amour parfait. Il revient à l’épître de Paul d’évoquer l’institution de l’eucharistie, telle qu’il l’a reçue. Il est temps maintenant de se rappeler ce qu’est un sacrement car le terme a été chosifié à outrance au fil des siècles. Or sacrement/um est la traduction du mot grec ‘musterion’, autrement dit mystère et pour les croyants, mystère se rapporte à Dieu. Au fait, allons plus loin : quelle est l’étymologie du mot mystère? le verbe ‘muein’ qui signifie ‘être caché’ et cela s’applique bien à Dieu « Vraiment tu es un Dieu caché »(Isaie). Mais, voilà, en christianisme, Dieu qui était caché s’est révélé, manifesté ; il s’est donné à voir, à entendre, à toucher en son Fils, le Verbe fait chair.
Et cette mission visible ne s’est pas arrêtée avec la mort de Jésus. Ce dernier, en donnant sa vie pour notre salut, nous a laissé un mémorial(Faites ceci en mémoire de moi) au sens fort, à savoir une nourriture et une boisson qui nous Le rendent présent, vivant. Cette nourriture, c’est sa chair à manger et cette boisson, son sang à boire, vraiment et en chaque eucharistie s’opère une multiplication des pains à l’infini, dans l’espace et le temps. Ainsi cette fête du St Sacrement est dans le droit fil de l’Incarnation, ce mystère joyeux qui a vu l’admirable échange entre Dieu et l’humanité, grâce à l’obéissance de la Vierge Marie. Oui, l’institution de l’Eucharistie, 5ème mystère lumineux et la fête de ce jour qui en découle procèdent de la même intuition, de la même pédagogie géniale, il fallait y penser ! Dieu a voulu nous rejoindre non seulement par sa parole, mais sous le mode d’un aliment pour que nous l’assimilions au plus intime de notre coeur, de notre être : tel est l’enjeu de ce réalisme spirituel. Car, frères et sœurs, nous n’avons plus à chercher notre Dieu dans les ténèbres, à tâtons ; nous savons où le trouver. Les lieux ne manquent pas, je ne vais pas vous citer pour la nième fois Ac 2,42 : un seul me suffit, la fraction du pain, celle-là même qui ouvrit les yeux des disciples d’Emmaüs.
Notre époque, surtout parmi les jeunes générations, vit un renouveau de l’Adoration eucharistique, que l’Église n’a cessé de pratiquer et cela est bien. Souvenons-nous à ce sujet du lien entre adoration et service des autres : l’hostie est destinée à être consommée pour accroître en nous la charité. Adorer oui et y puiser ainsi des énergies nouvelles pour mieux servir les autres, cela est très bien cela est très beau…
Fr Rémy Bergeret op.