La célébration de la solennité de la Trinité vient nous forcer à nous poser une question essentielle à notre vie chrétienne, notre vie spirituelle en général, qui porte sur notre propre relation à Dieu : est-ce que la révélation en Jésus Christ du Dieu unique comme Père, Fils et Saint Esprit est vraiment déterminante dans mon rapport à Dieu ? On a beau prier « Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit », on a beau baptiser « Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit », on a beau à la messe finir les oraisons adressées au Père par des formulations qui peuvent paraître alambiquées et compliquées comme « Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur, qui vit et règne dans l’unité du Saint Esprit pour les siècles des siècles, Amen », c’est-à-dire que notre célébration du culte chrétien est une célébration de la Trinité, et on peut et on doit aujourd’hui s’y pencher de plus près pour approfondir ou redécouvrir la centralité de la dynamique trinitaire de notre vie spirituelle chrétienne.
Pour essayer de la saisir, revenons un peu en arrière. Il n’y a pas si longtemps que ça finalement nous fêtions les grandes célébrations du Temps Pascal, la Résurrection, l’Ascension, la Pentecôte, comme célébration de notre salut en Jésus Christ. Mais qu’est-ce que ça veut dire être sauvé ? C’est être libéré du péché, pardonné de celui-ci par Dieu, en Jésus Christ, nous sommes tous d’accord là-dessus, mais ce n’est qu’une part. On ne peut limiter le Salut apporté par la Pâque du Christ à cela ! C’est essentiel, personne ne le contestera, mais c’est incomplet. Aujourd’hui Jésus Christ nous parle d’un autre don, bien plus mystérieux, que nous donnera l’Esprit Saint : « Tout ce que possède le Père est à moi, voilà pourquoi je vous ai dit : l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 15). Pour nous, être sauvés en Jésus Christ c’est recevoir ce « tout » du Père, qu’il communique au Fils et que reçoit l’Esprit, ce « tout », nous le recevons comme une connaissance, ce « tout » que nous recevons, c’est Dieu, c’est le Dieu unique qui se révèle à nous d’une manière nouvelle, comme Père, Fils et Saint Esprit. Il ne cesse pas d’être le Dieu unique, il ne cesse pas d’être le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais c’est au contraire que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est le Dieu-Trinité que nous révèle Jésus Christ, comme Père, Fils et Saint Esprit. Parce que cette révélation c’est de la personne divine même du Fils que nous la recevons, et pourquoi la recevons-nous ? Pourquoi venir nous révéler cette vérité sur Dieu ? Pourquoi venir, en quelque sorte « compliquer les choses » ? N’est-ce pas plus simple pour nous de parler et de penser Dieu, comme le Dieu unique, qui s’est incarné en Jésus Christ, et de reléguer les discours sur la filiation divine au rang d’image pieuse, de discours justement ? Pourquoi alors venir nous révéler quelque chose que nous n’aurions pas assez d’une éternité pour contempler, découvrir, qu’en fait Dieu est un en trois personnes ? A tel point que même notre façon d’exprimer la Trinité se heurte aux limites de notre langage humain !
Oui, c’est vrai, mais si vous remarquez bien, Jésus ne nous transmet pas cette révélation sur Dieu comme une équation absurde, comme 1=3 ou une réflexion philosophique sur l’Un et le multiple, il nous la transmet comme un don, un don du Tout de Dieu, un don que nous recevons comme connaissance. Parce que comme il le dira un peu plus loin dans sa prière sacerdotale pour les siens, donc pour nous aussi : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie et pour que, par le pouvoir que tu lui as conféré, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, le seul véritable Dieu et ton envoyé Jésus Christ » (Jn 17, 1-3).
Donc ce « tout » qui vient achever véritablement le salut, ce « tout » qui vient du Père, communiqué au Fils et qui nous est donné par l’Esprit Saint, c’est cette Vie Eternelle, vie dont vit Dieu, qui n’a ni commencement ni fin, vie que nous recevons dans le mystère pascal, lorsque nous communions à celui-ci à l’Eucharistie, vie que nous partageons déjà dans les vicissitudes de ce monde avec le Christ et que nous sommes appelés à vivre en plénitude dans la communion avec Dieu.
C’est cela la finalité de la mission du Christ dans le monde, c’est juste cela et c’est tout cela : nous offrir à l’humanité en général et à chacun de nous en particulier, la communion de vie avec Dieu. Or, qui dit communion dit nécessairement connaissance : car en Jésus, Dieu s’ouvre à nous, il nous dit de façon totale et définitive « qui » il est. En Jésus on pourrait dire de façon triviale « Dieu n’a plus de secret pour nous » ! Bien sûr, avec le mystère de la Trinité en tant que mystère nous n’aurons pas assez d’une éternité pour découvrir et contempler Dieu, mais c’est dès aujourd’hui que nous sommes appelés à en vivre, dans la lumière de la foi, comme ce don de l’Esprit, ce Tout du Père.
Comment commence-t-on à en vivre ? Déjà en le recevant dans la foi comme don. Car la révélation du Dieu Trinité, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, Père, Fils et Saint Esprit, est pour tout le monde. Souvenez-vous de ce que Jésus avait dit dans un moment d’exultation : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Mt 11, 25-27). La connaissance du Père, du Fils et du Saint Esprit que nous recevons comme don de la foi, nous ouvre à une nouvelle relation avec Dieu. Une relation inédite, unique, avec le Dieu trois fois saint, qui est la Nouvelle Alliance en Jésus Christ.
Regardez un peu quelle familiarité nous nous permettons avec Dieu. Cela est pour nous comme « naturel » dans le sens où l’on n’y prête pas attention, cela relève presque de l’évidence. Cela ne veut pas dire que nous ne reconnaîtrions pas la transcendance absolue de Dieu et sa qualité de créateur et Seigneur, non, mais notre vie spirituelle n’est pas celle avec un « Tout-Autre » écrasant, tellement mystérieux que la crainte avec laquelle on s’approche de lui confinerait à la peur, la peur d’un au-delà sur lequel nous n’aurions aucune prise et qui nous dominerait. En Jésus Christ Dieu n’est pas un dominateur, il nous fait partager sa vie dans la filiation éternelle de son Fils Unique Engendré, avant tous les siècles, dans son éternité bienheureuse. C’est le sens de la Nouvelle Alliance annoncée par les prophètes et qui se réalise dans la personne du Christ. Le Christ se fait semblable à nous en assumant et s’unissant à notre humanité, afin que nous, par la foi, lui soyons unis dans la divinité, pas n’importe comment, pas en nous « fondant », nous « dissolvant » dans une divinité dont nous ne connaîtrions presque rien, mais en faisant de nous des fils, unis à sa filiation éternelle, nous rendant pour ainsi dire parties prenantes de la relation éternelle du Père, du Fils et de l’Esprit.
Cette vie divine sera toujours mystérieuse, mais elle est pour nous une réalité vitale, car c’est là que se vit le cœur de notre vie chrétienne, c’est même ce qui fait que notre vie est chrétienne, et fait de nous des membres du Nouveau Testament, de la Nouvelle Alliance scellée en Jésus Christ. Nous devons avoir conscience que lorsque nous choisissons le Christ dans la foi et que nous recevons cette révélation sur Dieu qu’il est venu nous apporter, notre vie chrétienne s’établit et se construit sur la base des relations du Père, du Fils et de l’Esprit et ce, déjà dès ici-bas, comme ce « Tout » que le Christ nous transmet par l’Esprit Saint. Certes, sur cette terre nous le recevons comme une graine que la grâce des sacrements et de la vie évangélique fait croître et fructifier. Alors puisse-t-elle tomber aujourd’hui dans une bonne terre bien disposée à la recevoir. AMEN
Est-ce que le mystère de la Trinité ne proviendrait-il pas du mystère de la Dualité, qui lui-même proviendrait du mystère de l’Etre ….?
Je dois avouer que mon éducation religieuse a été très limitée par un père sympathisant communiste qui malgré tout, ne faisait que jurer et pester contre Dieu. (était -il vraiment non croyant ?)
Ma mère aimait la Vierge Marie, mais n’était pas pratiquante. Elle ne m’a jamais dit ce que je devais penser ou croire, mais elle m’a toujours laissé la liberté d’être un enfant. Par son amour et sa bienveillance, j’ai pu vivre toutes ces années. Malgré ma folie, dont j’ai eu honte de lui révéler le contenu, elle ne m’a jamais, jamais abandonné, même si à la fin de sa vie, elle doutait de son rêve, la vie éternelle.
Elle est la seule femme que j’ai vraiment (ou entièrement ) aimé . J’aimerais pouvoir tout lui offrir, mais je n’ai jamais compris ce qu’elle appelait la vie éternelle…
Bonjour, merci pour votre commentaire… qui demanderait bien des rectifications, en particulier dans son premier paragraphe : vos suppositions sont quelque peu fantaisistes.
La question de la vie éternelle est en principe assez simple : elle est une vie au-delà de notre vie terrestre, mais dont certains éléments peuvent se manifester déjà au cœur même de cette vie terrestre. Difficile de s’étendre sur ce sujet en quelques mots, je vous invite à prendre contact avec un prêtre de votre entourage, celui de votre paroisse par exemple.