Saut dans la foi …, de Fr Benoît-Marie Simon.

Saut dans la foi sur le chemin de Compostelle.

saut dans la foi sur le chemin de Compostelle

 

Jn 14, 1-12

 » Je suis le chemin, la vérité et la vie . »

 

Homélie dominicale de Fr Benoît-Marie Simon: Saut dans la foi…

Version phonique:

Version écrite:

Saut dans la foi…
« Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? »
            Rappelez-vous la parabole du bon samaritain : elle nous invite à prendre les choses par l’autre bout, c’est-à-dire à nous demander, non pas : « est-ce que j’ai l’impression d’aimer celui qui est en face de moi » ; mais plutôt : « est-ce que lui se sent vraiment aimé par moi ? » Inutile de préciser que cela change tout. Eh bien, il en va de même, lorsqu’il s’agit de connaître quelqu’un !
            D’où ce reproche du Christ à Philippe, lequel – on s’en doute – n’est pas un cas isolé.
            Rendez-vous compte : il a été choisi par Jésus lui-même, et il a vécu avec lui. Or, Jésus est capable d’ouvrir l’intelligence de ceux qui l’écoutent, mieux que personne. La preuve : lorsque, tout petit encore, il enseignait les docteurs dans le temple, ceux-ci étaient émerveillés par sa sagesse. Alors, comment, dans de telles conditions, Philippe a-t-il fait pour ne rien comprendre ?
            Il faut dire, à sa décharge, que le Christ est vraiment mystérieux. Et ce n’est pas le discours que nous rapporte l’évangile de ce jour qui nous convaincra du contraire.
            Malheureusement, lorsque nous sommes dépassés, nous avons le réflexe de nous raccrocher à ce que nous pouvons saisir, en négligeant tout le reste. D’où ces phrases toutes faites, ces affirmations superficielles, ces schémas que, bien souvent reconnaissons-le, nous suivons paresseusement, qui nous tiennent lieu de règle de vie et nous donnent l’illusion d’avoir réponse à tout.
            Rien d’étonnant, par conséquent, si, devant le Christ, nous serons toujours tentés de nous arrêter à ce qui parle à notre sensibilité, comme si Jésus était simplement un sage, parmi d’autres. Du coup, pour nous arracher à notre grossièreté, il faut bien, qu’un jour ou l’autre, ce qui est encore trop humain disparaisse. C’est, précisément, l’épreuve que les apôtres ont vécue, à l’occasion de la mort du Christ. Et ils ont eu bien du mal à entrer dans la lumière de la foi, au lieu d’être déçus et accablés.
            Mais, au fait, que faut-il découvrir en Jésus-Christ ? Tout simplement qu’Il ne fait qu’un avec le Père, si on en croit l’évangile de ce dimanche.
            Oui mais, attention ! Dieu est absolument invisible ! Et il ne faut pas tricher avec cette difficulté, ou la contourner, au prétexte que Jésus-Christ, lui, est semblable à nous.
            En d’autres termes, lorsque le Christ affirme : « qui m’a vu a vu le Père », faut-il comprendre que la considération de son humanité suffit, au point de remplacer la contemplation du Dieu transcendant ?
            Evidemment non !
            Déjà, parce que, jamais, le Créateur ne peut être assimilé à quelque chose de créé – fut-ce l’humanité du Verbe Incarné.
            Et puis, Philippe était en contact avec l’homme Jésus, bien plus que nous ne le serons jamais… et pourtant il n’a rien compris !
            D’ailleurs, le Christ, dans d’autres passages de l’Evangile, a expliqué que personne ne peut venir à Lui si le Père ne l’attire. Mais nous ne sommes pas des marionnettes ! Par conséquent être attiré, c’est être séduit. Or, comment être séduit par quelqu’un, tant qu’on ne le connaît pas ?
            Avouons-le, tout ceci ressemble fort à un cercle vicieux, puisqu’il faut connaître le Père pour savoir qui est le Fils et, qu’en même temps, c’est ce dernier, et Lui seul, qui nous révèle le Père, puisqu’il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » ?
            Frères et Sœurs, si nous étions livrés à nos propres forces, il n’y aurait pas d’issue. Mais, au jour de notre baptême, Dieu nous a donné la foi, autrement dit : une nouvelle façon de Le connaître. Celle qui s’appuie uniquement sur la Parole de Dieu, et non plus sur les expériences que nous pouvons faire ou nos raisonnements humains. Encore faut-il l’écouter jusqu’au bout, sans s’arrêter à ce qu’on croit comprendre… Bref, il faut s’efforcer, sans relâche, d’entendre ce que Dieu veut nous dire. Alors, mystérieusement – parce que la foi est, aussi et surtout, une nuit – mais réellement, notre intelligence et notre cœur seront en contact avec Celui qui ne se voit pas et ne se touche pas, parce qu’Il est Pur Esprit, Plénitude Infinie et Trois fois Saint !
            Vous l’aurez compris, tout ce discours s’écroule, si la parole du Christ n’est qu’une parole humaine ! Or, justement, il a pris soin de préciser à Philippe : « les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même… »
            Force est de constater que, ce saut dans la foi, les apôtres ont eu bien du mal à l’accomplir. Et il a fallu que le Christ leur apparaisse plusieurs fois, pour qu’enfin ils puissent dire, comme saint Paul : « si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant ce n’est plus ainsi que nous le connaissons » (2 Co 5, 16). Voilà pourquoi le Christ se manifeste seulement à ses disciples. Alors que, s’il avait simplement voulu donner des preuves de sa résurrection, il eût été plus efficace de se montrer à une grande foule, une fois pour toute et en accomplissant des choses extraordinaires.
            En réalité, convaincre quelqu’un du fait de la résurrection, n’est pas si difficile que cela. En revanche, ouvrir son cœur et son intelligence à l’austérité exigeante de la foi, est une tout autre affaire…
            Reste que, tant que nous en restons au niveau de ce que nous pouvons ressentir, imaginer ou découvrir par nous-mêmes… nous passons à côté de l’essentiel.
            D’où ces lignes de saint Jean de la Croix : « C’est une pitié de voir tant d’âmes à qui Dieu donne l’aptitude et la grâce prévenante pour avancer dans la voie spirituelle qui, si elles voulaient s’en donner la peine, arriveraient à ce sublime état d’union avec Dieu, n’entretenir cependant avec lui que des relations vulgaires, soit par manque de volonté, soit par ignorance, soit par faute de trouver quelqu’un qui les guide et leur apprenne à se défaire des méthodes des commençants. »
Fr Benoît-Marie Simon op.
Lien vers la liturgie florale du jour: La pierre de vie.