Se croire innocent… le pire de tous les maux – de Fr Benoît-Marie Simon.

Convaincu d’être innocent… et donneur de leçon

La poutre dans l'oeil de l'autre...

Domenico Fetti – 1619

Lc 6, 39-45

 » Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil « 

 

Homélie dominicale de Fr Benoît-Marie Simon:

Version phonique:

Version écrite:

     Se croire innocent: le pire de tous les maux…

« Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil tu ne la remarques pas ?« 

     Avouons-le, ce verset nous l’utilisons volontiers pour faire taire ceux qui se permettent de critiquer les autres. Pourtant, le Christ ne dit pas que celui qui veut corriger son frère a forcément tort ! Ce dont Il l’accuse, en fait, c’est de se croire innocent du mal qu’il décèle chez les autres. En toute rigueur, par conséquent, cet évangile ne nous autorise pas à refuser les reproches qu’on nous fait, sous prétexte qu’ils proviennent de quelqu’un qui est pire que nous ! Or, nous avons vraiment besoin qu’on nous reprenne, car nous sommes pécheurs. D’ailleurs, dans la suite de l’évangile, le Christ ne craint pas d’affirmer que certains hommes ont un mauvais fond, c’est-à-dire quelque chose qui les pervertit en profondeur et de façon stable !

     Tout ceci pour dire que nous devons accepter d’être corrigés par nos frères. Et, chaque fois que nous sommes tentés de fermer nos oreilles sous prétexte que jamais un saint ne parlerait avec une telle dureté, n’oublions pas deux choses. Premièrement, qui nous dit que nous accepterions un reproche s’il était formulé avec la douceur du Christ ? Ne croyez-vous pas qu’il est plus prudent d’écouter la vérité qui se cache dans une observation, même si elle n’est pas totalement juste ? On peut craindre, en effet, que celui qui n’accepte pas le reproche du frère qu’il voit, n’acceptera pas non plus celui de Dieu qu’il ne voit pas ! Deuxième considération. L’Eglise est le sacrement du salut, il faut donc bien que Dieu se serve de nos frères pour nous purifier. Et d’ailleurs l’écriture nous avertit : « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le seul à seul… » (Matt. 18, 15). Rien d’étonnant, par conséquent, si, dans l’Eglise, on pratique ce qu’on appelle la correction fraternelle !

     En somme, il faut choisir : vivre dans un milieu où la règle d’or est d’éviter systématiquement tout ce qui pourrait heurter la susceptibilité des autres ; ou bien rechercher la compagnie de ceux qui acceptent de se laisser humilier. Les saints n’hésitent pas une seconde. Au point de dire, comme Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus à sœur Marie de la Trinité : « Quelle grâce que l’humiliation ! Si on comprenait combien cette nourriture est substantielle à l’âme, on la rechercherait avec avidité » (Conseil et Souvenir).

     Je voudrais, aussi, attirer votre attention sur l’image de l’aveugle qui guide un autre aveugle. En utilisant cette image, le Christ veut nous faire prendre conscience du danger mortel que nous courrons lorsque nous permettons au péché d’obscurcir notre conscience et de nous ôter toute lucidité.

     En effet, céder à un penchant mauvais qu’on regrette aussitôt, est une chose ; mais se justifier est autrement grave, parce qu’on nie la vérité, on s’enferme dans son sentiment personnel, et, très vite, on devient comme des aveugles, incapables de voir la lumière !

     Frères et sœurs, il n’y a rien de pire que d’atténuer la gravité du péché. D’où ce cri de l’Ecriture : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres… » (Isaïe 5, 20). En effet, tant que nous restons lucides sur notre péché, nous pouvons nous repentir et appeler la miséricorde du Seigneur… Bref, tant que le péché ne pervertit pas notre jugement et qu’on le combat, il est en nous, mais il ne nous domine pas !

     Dernière remarque. N’oublions pas, tout de même, que, dans ce verset de l’évangile, le Christ condamne l’attitude de ceux qui jugent les autres, ce que nous faisons bien plus souvent que nous ne voulons l’admettre. Non pas, vous l’avez compris, pour nous convaincre de faire comme si le péché n’existait pas ; ni même pour nous interdire de reprendre notre frère. En réalité, tout excuser, toujours et systématiquement, ressemble à un déni, donc à de la bêtise, plus qu’à une véritable charité. Sans compter qu’absoudre quelqu’un c’est juger de ses intentions, de son niveau de conscience, toutes choses qui n’appartiennent qu’à Dieu. Et il faut être bien présomptueux pour s’en mêler.

     Alors, comment faut-il entendre l’avertissement du Christ ? D’abord, je viens de le dire, personne ne peut savoir ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. En conséquence, on juge de ce qu’on voit, pas du degré de culpabilité du pécheur. En d’autres termes, on ne condamne pas, pas plus qu’on n’absout. Ce serait prendre la place de Dieu.

     Ensuite, et surtout, on n’a le droit de reprendre son frère que si on accepte d’être remis à sa place par les autres, parce qu’on craint d’être soi-même aveuglé par le péché. Car, j’insiste encore sur ce point, il s’agit, ici, non pas tant de corriger tel ou tel comportement, il s’agit d’être prêt à se remettre en question en profondeur, car nous nous aveuglons facilement sur nous-mêmes…

     Frères et sœurs, dans cet évangile, le Christ n’enseigne pas qu’il faut excuser tout le monde, mais plutôt que, tous, nous devons nous reconnaître pécheurs. Voilà pourquoi, il ne dit pas, à celui qui veut enlever la paille de l’œil de son frère, qu’il se trompe ; il l’exhorte à se servir du fait qu’il est encore capable de voir le péché des autres, pour accepter de reconnaître le sien, qu’il ignore superbement !

Fr Benoît-Marie Simon op.

Lien vers la décoration florale du jour: Ne nous trompons pas de guide…

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