Seuls les humbles peuvent toucher le cœur de Dieu


Chers frères et sœurs,

Habituellement, les reproches que Jésus fait aux pharisiens sont pragmatiques et bien observables. C’est le cas par exemple lorsqu’il dénonce le fait qu’ils aiment les honneurs en cherchant les premières places dans les diners. C’est également le cas lorsqu’il leur reproche de détourner la Loi à leur profit et d’imposer aux gens ce qu’eux-mêmes ne sont pas prêts à vivre.

Mais ce qui est saisissant dans cette parabole, c’est que, ce que Jésus dénonce chez ce pharisien, ce n’est pas quelque chose d’extérieur, et donc observable. Mais c’est ce qui se passe à l’intérieur du pharisien, là où Dieu seul a accès. Même le publicain qu’il condamne ne sait pas ce qu’il était en train de dire à Dieu. Saint Luc nous précise qu’il priait en lui-même en disant : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne ».

En fait, ce que Jésus révèle de l’attitude de ce pharisien est moralement et spirituellement très fort. Jésus ne dénonce pas chez lui une attitude d’hypocrisie comme il l’a souvent fait à propos des pharisiens. Le pharisien de notre parabole n’affiche pas une attitude hypocrite, une attitude de celui qui est dans la posture de faire paraître ce qu’il n’est pas réellement. Mais, ce qu’il dit intérieurement, c’est ce qu’il pense effectivement être. Nous pouvons faire paraître ce que nous ne sommes pas et savoir intérieurement que nous ne sommes pas vrais. Or, l’attitude du pharisien de notre parabole est d’un autre ordre.

Nous pouvons tromper les gens sur ce que nous sommes. Mais lorsque nous nous retrouvons seul dans notre chambre intérieure où Dieu seul a accès, nous sommes mis à nu devant le miroir de la vérité qui est Dieu. Ce qui est gravement inquiétant et que Jésus voudrait certainement souligner en donnant cette parabole, c’est que c’est dans cet espace de vérité où il n’est pas possible de fuir la vérité sur soi que notre pharisien est convaincu qu’il est juste et méprise les autres alors qu’en réalité, il ne l’est pas. La conviction, c’est l’effet qu’une preuve évidente produit dans l’esprit, la certitude que l’on a de la vérité d’un fait, d’un principe. Si l’attitude du pharisien était de l’ordre de l’hypocrisie, il y aurait une marge pour qu’il revienne à la réalité, à la vérité sur lui-même. Mais son attitude étant de l’ordre de la conviction, il est donc dans une posture de fermeture, ne laissant aucune ouverture à Dieu pour qu’il puisse échanger avec lui.

En réalité, en analysant sa prière, l’on voit que Dieu n’a aucune chance de trouver une petite place chez lui. Il ne remercie pas Dieu parce que soutenu par sa grâce, il essaie d’entrer dans sa volonté pour en vivre. Il le remercie parce qu’il n’est pas comme les autres hommes. Il se suffit en tout ; c’est comme s’il avait atteint le sommet de la vie spirituelle et morale. Il n’a plus besoin de Dieu. Alors que la vérité, c’est qu’il n’est pas du tout ce qu’il a la conviction d’être. Et cela, c’est un drame spirituel et moral qui pourrait arriver à chacun de nous si nous ne sommes pas ouverts à Dieu.

Jésus nous dit dans la parabole que, contrairement au pharisien, le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu prends pitié du pécheur que je suis ! » Et Jésus d’ajouter : « Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé ».

Pourquoi c’est le publicain qui est devenu juste et non pas le pharisien ? Les paroles de conclusion du débat houleux qui a opposé Jésus et les Juifs après la guérison de l’aveugle de naissance en Jean 9 pourraient nous aider. Jésus disait aux Juifs : « « C’est pour un jugement que je suis venu dans le monde, pour que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles. » Les Pharisiens qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Est-ce que, par hasard, nous serions des aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais à présent vous dites « nous voyons » : votre péché demeure. » » (Jn 9,39-41)

Le publicain est devenu juste parce qu’il sait et confesse qu’il est pécheur et implore la grâce de Dieu. Il reconnait sa fragilité et ses limites. En vérité, l’homme est créé comme un être de manque. Il ne peut s’accomplir tout seul. C’est en Dieu et en Dieu seul qu’il trouve son accomplissement plénier et parfait. Dieu l’a voulu ainsi parce que le manque est en quelque sorte la place qu’il s’est réservé en nous pour pouvoir nous attirer à lui. Saint Augustin a été célèbre par cette déclaration de foi : « Tu nous as créés pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi ». C’est Dieu qui nous rend justes, qui nous justifie, en nous accomplissant en lui.

Quel que que soit le motif qui nous amène à Dieu, notre relation avec lui, si elle est vraie et authentique, s’inscrira toujours dans la logique de l’être de manque que nous sommes. Que le motif soit une action de grâce, une louange, une intercession, une supplication, une adoration…, il mettra toujours en relief le fait que nous sommes des êtres de manque qui ne trouvent leur épanouissement qu’en Dieu. Cela dit, notre approche de Dieu ne sera féconde que si elle s’inscrit dans une démarche d’ouverture portée par la pauvreté du cœur, et donc mue par l’humilité. En toute vérité, seuls les humbles peuvent toucher le cœur de Dieu et voir leur vie transformée en Lui.

 

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