21 novembre 2021 – Solennité du Christ-Roi de l’univers, année B
Dn 7,13-14 ; Ps 92 (93) ; Ap 1,5-8 ; Jn 18,33b-37
Homélie du frère Denis Sibre
________________
________________

En cette fête du Christ-Roi de l’Univers, la liturgie nous invite à assister à une audience de tribunal. Et elle se passe chez Pilate, le gouverneur romain.
– À qui le tour ?
– Au prévenu Jésus, répond le greffier.
– Quel mal a-t-il fait ?
– Difficile à dire !
– A-t-il un casier judiciaire ?
– Pas grand-chose, simplement une petite note: Se dit le roi des juifs.
– Ah ! Un séditieux ?
– Oh ! Pas l’air méchant. Il prêche de pays en pays, parle d’amour plus que de guerre.
– Bizarre affaire !
Pilate de dire à Jésus: ‟ ainsi tu te dis roi des Juifs! ”
Et Jésus de lui répondre aussitôt: ‟ Tu le dis, je suis roi; je ne suis né et je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité. ”
Manifestement, Pilate ne comprend pas de quoi il est question.
Ne lui jetons pas trop vite la pierre ! Et nous, comment nous représentons-nous cette royauté de Jésus ? A nous aussi le Christ nous dit: ‟ Ma royauté est tellement différente de ce que vous pouvez imaginer: ma royauté vient d’en haut. Et c’est une royauté d’effacement au service de la vérité, une royauté qui vient d’en haut.
La royauté du Christ ne vient pas de ses origines familiales même s’il est un lointain descendant du Roi David. Cette royauté, elle ne lui est pas accordée par l’Empereur de Rome et elle ne lui vient pas non plus d’une élection au suffrage universel. Toutes ces royautés venues des hommes sont des royautés éphémères.
Non, la royauté de Jésus lui vient de Dieu. Elle lui vient directement du créateur. Il est Roi parce qu’il est la clef de voûte de la création, disait Jean-Paul II. Il est le sommet de la création. Il est comme le dit génialement S. Paul, le premier voulu de la création (cf. Col 1,12-20).
Il est roi aussi parce qu’il a arraché par son sang, la création au pouvoir du mal, ce qui lui donne le droit de régner. Son titre, il l’a gagné sur la route du calvaire. Son trône est solide parce qu’il est fait dans le bois résistant d’une croix. Sa couronne est fixée solidement sur sa tête par des épines vigoureuses.
Il est roi de l’humanité enfin car il est aux avant-postes de son peuple : le premier de cordée qui entraine dans son sillage ceux qui cherchent la terre promise.
Oui, la royauté de Jésus vient d’en haut et c’est une royauté d’effacement.
Les royautés humaines ont le souci de la parade. Elles ont besoin de palais somptueux, de réceptions coûteuses, de décorum, de fastes, de cérémonies ostentatoires. La royauté du Christ, elle, est sans panache, sans clinquant, sans argent, il n’a pas même une pierre ou reposer sa tête.
Les royautés humaines ont besoin de se mettre en valeur, de réaliser des œuvres de prestige pour laisser un nom à la postérité. La royauté de Jésus n’a laissé aucun monument si ce n’est un gibet d’esclave maculé de sang: une croix fichée sur le monde.
Les royautés humaines ont des armées, des gardes personnelles, des services secrets. Le roi Jésus a pour gardes douze pauvres Apôtres qui ne savent rien faire d’autre que de pêcher du poisson avec leurs filets.
Les royautés humaines se cramponnent au pouvoir et en veulent toujours davantage. Avec Jésus, au contraire, rien de puissant. En attendant son retour, il confie son Église à des hommes serviteurs dont la tâche sera de servir à la façon du Maître et Seigneur. Oui, la royauté de Jésus est une royauté vécue dans l’effacement et au service de la vérité. Les royautés humaines entendent bien ne pas se mettre au service du mensonge. Toutes vous diront qu’elles veulent avoir un parler vrai.
Le Christ, devant Pilate, alors même qu’il joue sa vie, ne lésine pas avec la vérité. Jamais Jésus n’a caressé dans le sens du poil pour faire plaisir. Il a toujours parlé vrai dans le droit fil de ce que le Père lui avait demandé de dire. Il y a toujours eu une parfaite cohérence entre ce qu’a dit le Christ et ce qu’il a vécu.
En conclusion, on peut tirer trois remarques:
1) Soyons fiers de notre Roi. Qui oserait rougir de suivre un tel maître? Combien ont été cruellement déçus de s’être aplatis devant des chefs tyranniques, un instant adulés.
2) Nous aussi nous possédons un certain pouvoir, comme parent, comme cadre, comme président d’association, ou autre. Avons-nous assez d’humilité pour comprendre que ce pouvoir ne vient pas de nous ? Et qu’il doit se vivre dans l’effacement et au service de la vérité ?
3) Régner c’est servir, nous dit le Christ. Servir les lépreux de ce temps, les perdants, les oubliés. Servir les pauvres en tout genre c’est peut-être la meilleure manière d’honorer la royauté de Jésus!
‟ Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens,
c’est à moi que vous l’avez fait ”
(Mt 25,40)