Cherche la dernière place et tu trouveras Dieu

17 octobre 2021
29è dimanche du Temps Ordinaire, année B
Is 53,10-11 ; Ps 32 (33) ; He 4,14-16 ; Mc 10,35-45
Homélie du frère Marie-Philippe Roussel

C’est un homme caché, inconnu aux yeux des hommes. Vivant dans un abri de jardinier, avec une planche pour lit et un pain par jour pour nourriture, il est serviteur au cœur d’un monastère de sœurs, s’occupe du potager, répare la clôture. Et prie, jeûne, intercède, médite. Homme à tout faire pour tous, homme caché dans le secret de Dieu. A Nazareth, en 1897, Charles de Foucault cherche à imiter la vie de Jésus, dans une vie ordinaire, fait de petits riens. Il en sortira une lumière étonnante : « Jésus a tellement pris la dernière place que personne n’a pu la lui ravir ».

Alors que la performance, au travail, dans l’organisation sociétale, dans nos relations, semble être désormais le maitre mot, entendons l’appel à ce qui est plus grand, plus beau, plus vrai. Entendons le Christ qui nous appelle à vivre à hauteur de Dieu et ce, au milieu du monde, au cœur de nos familles et de notre travail. Et ce, en vue d’une gloire éternelle, où nous siégerons sur son trône dit l’Apocalypse, où nous ne ferons plus qu’un avec ce Seigneur qui nous aime, où il sera tout en tous.

Voyons en effet de quel amour Dieu nous aime. Il a pris sur notre souffrance. Dieu s’est fait serviteur, le serviteur, offrant sa vie en réparation de nos fautes, des mauvaises actions, de notre orgueil, de nos paresses, les miens comme les vôtres. Il n’est pas un dieu incapable de compatir à nos souffrances, lui qui a assumé tout de notre nature, excepté le péché. Crois-tu que ta souffrance t’éloigne de Dieu ? Mais c’est lorsque nous sommes souffrants, angoissés, tiraillés, perdus, que Dieu nous aime plus fortement, qu’il s’éprend tellement de nous car Il cherche à nous consoler, à donner l’espérance de la gloire, la force de son Esprit, le soutien de nos frères et de nos sœurs, à diriger notre cœur vers la vie là où il semble se diriger vers la mort. Oui, il s’est abaissé en venant en ce monde et à chaque eucharistie, à chaque consécration, lorsque l’Église entière renouvelle son offrande d’amour pour nous, il s’abaisse de nouveau pour s’approcher de nous, il se livre à nos mains, il se livre à notre cœur. Il se fait petit pour nous faire grand pourvu que nous nous reconnaissions petits, pourvu que nous nous reconnaissions sauvés. Oui, qui s’abaisse sera élevé.

Voyons de quel amour Dieu nous aime. Il nous destine à sa gloire, non-périssable, éternelle, qui surpasse toute joie de ce monde, ce que l’œil n’a jamais vu, ce que l’oreille jamais entendu, que notre imagination n’a pu approcher, ce qu’un dominicain ne pourra jamais exprimer. Gloire sans limite comme le sont les honneurs de ce monde, gloire sans frustration, sans peur de la perdre. Gloire qui provient de Dieu et dont l’âme unie à Dieu bénéficie, comme si c’était la sienne propre. Gloire par laquelle notre connaissance sera parfaite, notre volonté purifiée, notre bonheur comblé, notre vie surélevée. Que dire de la gloire de Dieu ? Comme dirait un père de l’Église : « de peur d’en parler mal, je me tairai ». Car le mystère de la gloire divine est indicible au langage de l’homme.
Devant l’amour de Dieu pour nous, voyons quel grand amour doit grandir dans notre cœur. Il nous faut de grands désirs, être vigoureux pour les obtenir, avoir l’espoir de se les approprier. Or, tant de personnes recherchant toujours plus de richesse, de connaissance ou de puissance. Mais nous, plus que toute richesse, connaissance, puissance de cette terre, nous voulons Dieu, en qui seul notre âme se repose. Au fond ce que nous voulons c’est Jésus, sa Parole, son Corps, son Esprit. Être proche de Jésus, voici notre vocation, notre destinée. Que peut-on vouloir de plus que Jésus, que Dieu ? Sommes-nous faibles devant cette tâche ? le Seigneur vient nous affermir. Avons-nous l’espoir d’y parvenir ? Dieu nous en fait la promesse, lui qui veut que tous les hommes parviennent à la connaissance du salut, qu’en croyant, ils aient la vie éternelle. Que jaillisse alors de notre âme une grande action de grâce, un merci franc et chaleureux. Que les prêtres s’attristent lorsqu’en offrant la communion, certains leur disent « merci ». Mais qu’ils se réjouissent si le « Amen » qui jaillit des lèvres exprime, non pas à eux mais au Christ présent dans l’hostie, un merci souriant. Disons sans cesse « Amen », sans peur de le prononcer avec un sourire.

Pour ce face-à-face avec Dieu, il nous faut un coude à coude avec notre prochain, disait un dominicain, le Père Ranquet. Veux-tu être à la droite de Dieu ? Deviens le soutien de tes frères. Attache-toi à eux comme si tu étais leur serviteur, leur esclave. Habille ceux qui sont nus, enseigne les ignorants, nourris les affamés, réchauffe ceux qui ont froid. En dehors de cette église, nous revêtons les habits de service. Parfois cachés. Le service de l’attention, de la prière. Être proche de nos frères, à l’exemple du Christ, venu pour servir et non pour être servi. Un dominicain qui ne sort que de belles paroles sans sortir de son couvent ne ressemble pas au Maître de la vie. Un chrétien qui ne cherche pas à être le Christ au milieu de ce monde engendre son absence. En effet, quel est finalement ce vêtement de noces que nous revêtirons dans la gloire du Ciel ? C’est ce vêtement du service, de la charité, que nous aurons brodé par nos actions sur terre.
Chers frères, chères sœurs, n’hésitons à vouloir de grandes choses, ne craignons ni de désirer la gloire de Dieu, ni de devenir l’esclave et le serviteur de nos frères. « Jésus a tellement pris la dernière place que personne n’a pas la lui ravir ». Approchons-nous de cette dernière place. Approchons de Jésus et de nos frères, car beaucoup de ces derniers aux yeux des hommes seront premiers et grands dans le Règne de Dieu. Amen.

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