De l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace par le père Jean-Claude Rodriguez

Frères et sœurs,

Il y a quelques jours je me disais : Le Président de la République, Emmanuel Macron, est à la politique ce que St Dominique est à l’évangélisation… En effet dans l’évangile du jour de la fête de St Dominique nous entendons Jésus nous donner l’ordre d’aller, d’enseigner et de baptiser. « Cette tâche qui nous attend est immense et elle imposera de continuer à être audacieux. Oui, ce soir… vous avez choisi l’audace et cette audace, nous la poursuivrons ! Et chaque jour qui vient, nous continuerons à la porter parce que c’est ce que [le monde attend de nous] … Il attend qu’à nouveau [l’Eglise] l’étonne, que [l’Eglise] soit elle-même et c’est cela, ce que nous ferons ». Notre tâche est immense, mes amis, et elle exigera l’engagement de chacun. Vous avez reconnu là 95 % d’un passage du discours de M. Macron au pied de la pyramide du Louvre. 95%, oui, parce que j’ai dû changer deux mots pour faire du christianisme et non du macronisme…

L’audace… Je ne sais si c’est cela qui caractérisera la France et les Français dans quelques temps… Mais je sais que c’est cela qui doit caractériser les Chrétiens en général, et les fils de St Dominique en particulier, puisque c’est ce qui caractérise sa vie.

L’audace de ce jeune étudiant à Palencia ravagée par la famine… Dominique vendra ses livres de manière à constituer une aumône qui permettra de distribuer la nourriture aux affamés. Et il dira : « Je ne peux pas étudier sur des peaux mortes tandis que des hommes meurent de faim ».
L’audace de ce jeune prêtre de 30 ans environ faisant route avec son évêque Diego, au retour du Danemark et faisant halte à Castelnau-le-Lez. Là, Diego posera un acte prophétique : renvoyer toute sa suite, ne garder avec lui que Dominique et exposer son projet : prêcher à la manière des Apôtres, aller à pied, deux par deux, en grande humilité, sans rien emporter avec soi, attendant sa nourriture de la charité. Parler ainsi n’avait rien de nouveau, et donc rien d’audacieux… Sauf que l’Eglise (pour faire bref) s’était quelque peu éloignée de cette manière de faire « apostolique » … Dire cela c’était revenir à une certaine fidélité à l’Evangile… Oui, mais dire cela, c’était aussi épouser la manière de faire des Cathares… car, eux, quand on les écoutait ou les regardait, « ça faisait apostolique » … L’audace de St Dominique ne sera pas de proposer de « faire apostolique » mais d’être apostolique.

Il m’est évident que l’audace de St Dominique est d’abord dans le fait de vivre à la manière des Apôtres. Il m’est tout aussi évident que Jésus a pris tous les moyens pour manifester et faire découvrir l’amour de Dieu son Père : « Il faut que le monde sache, disait-il, que j’aime le Père ». Le disciple, ne doit-il pas, à son tour, prendre tous les moyens, mettre tout en œuvre pour manifester et faire découvrir cet amour de Dieu ? Il faut que le monde sache que nous aimons le Père !

Dans ce « faire apostolique » St Dominique imite donc la méthode des hérétiques. Quelle audace ! Tout avait été tenté pour les ramener à la lumière de la foi. Mais il restait encore une chose à faire… et je m’inspire ici du dialogue entre Pilate et Jésus… Il restait à appartenir à la Vérité. C’est cette appartenance à la Vérité, cette collaboration à la Vérité, qui rendra son apostolat fructueux. C’est là que se trouve la source de toute audace. Alors, il ne fera pas seulement apostolique, mais il sera apostolique.
Je ne me hasarderai pas à faire un parallèle avec des situations similaires aujourd’hui, mais nous épousons bien des méthodes… Elles font peut-être plus apostoliques les unes que les autres, mais le sont-elles vraiment ? Cela nous donne peut-être l’illusion de « faire apostolique » nous-mêmes, mais le sommes-nous vraiment ? Oui, seulement si à travers cela nous sommes « cooperatores veritatis » car pour aller enseigner avec audace, il faut se laisser posséder par la Vérité.

L’audace, St Dominique la reçoit de la Grâce… Il la met donc au service de la Grâce. « Que vont devenir les pauvres pêcheurs ? » gémit-il dans sa prière. Il sait que le Salut vient de Dieu et non des hommes. Il sait que l’unique Sauveur c’est le Christ. Par-dessus tout, il sait, il croit que le Salut est un acte d’amour de Dieu. Il sait aussi, que le Christ sauve chaque fois que l’Eglise célèbre l’un des sept sacrements car ils sont chacun selon la grâce qui lui est propre : sacrement de l’Amour.
Le salut des âmes. Saint Dominique prendra sa part dans l’appel des hommes au Salut. Qu’y a-t-il de plus appelant qu’une vie sainte ? Saint Dominique prêchera plus par l’exemple que par la parole, vivant dans la pauvreté et le jeûne, dormant peu et priant longuement. Une de ses demandes fréquentes et singulières à Dieu était qu’il lui donnât « une charité véritable pour procurer le Salut à tous les hommes ».

Baptisez ! A condition, selon le propos de St Pierre Apôtre, de « ne pas considérer le baptême seulement comme un rite de purification extérieure, mais comme un engagement envers Dieu avec une conscience droite » (I Pi 3). S’engager envers Dieu, n’est-ce pas mettre à la place qui leur reviennent, dans notre vie, les commandements, et dans le bon ordre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi-même ». N’est-ce pas faire nôtre sa plus profonde volonté « que quiconque voit le Fils et croit en Lui, ait la vie éternelle », ou encore « qu’Il les ressuscite tous au dernier jour » ? Si la grâce du baptême, ce que nous croyons, nous configure au Christ, plus nous lui appartenons par la sainteté de nos vies, plus nous cultivons en nous la charité, et plus nous procurons le Salut à nos frères les hommes.

l'audace de la croixEnfin, dernière audace : l’amour de la Croix. Oui, cela relève de l’audace, car la Croix est encore aujourd’hui ce qu’elle était hier : scandale et folie ! Mais il nous faut dépasser la représentation que s’en firent les impies. La Croix… prendre la nôtre et marcher à la suite de Jésus… Il ne nous demande pas de porter sa croix, mais la nôtre. Et cependant il nous est impossible de porter notre croix sans au moins regarder la sienne. St Théodore s’exclamait : « Quel don infiniment précieux que la Croix ! Oui, elle est toute entière admirable et belle à voir et à partager… » ! Nous y voyons Jésus les bras ouverts comme pour nous dire : « je me donne à vous… je vous attends… venez à moi ». Ou encore « regardez ce que j’ai fait pour vous ».

Mystère du Calvaire, Mystère de la Croix « où la vie a souffert la mort et par sa mort nous rend la vie ». Vous n’ignorez pas qu’agenouillé, Saint Dominique contemplait inlassablement la Croix, et qu’il aura cette confidence à un frère qui l’interrogeait sur le livre dans lequel il avait le plus étudié : « c’est dans le livre de la Croix, le livre de la Charité : c’est lui qui enseigne tout » car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Il nous semble parfois que cela est bien difficile. Ecoutons alors Jésus nous redire : « En-dehors de moi vous ne pouvez rien faire… [mais] je suis avec vous tous les jours ».

Si notre audace appartient à la Vérité ; si notre souci du salut des âmes appartient au désir de Dieu que tous aient la vie éternelle ; si notre manière de faire passer les commandements appartient au livre de la Croix, alors, à la suite de Saint Dominique, nous irons, nous enseignerons, nous baptiserons. Cette tâche qui nous attend est immense et elle imposera de continuer à être audacieux. Oui, ce soir… nous avons choisi l’audace et cette audace, nous la poursuivrons ! Et chaque jour qui vient, nous continuerons à la porter parce que c’est ce que le monde attend de nous… Il attend qu’à nouveau l’Eglise l’étonne, que l’Eglise soit elle-même puisque « ta Croix, ô Christ est la source de toutes les bénédictions, la cause de toutes grâces. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris reçu la gloire, et de la mort, la vie » (St Léon le Grand).

Amen

Lien vers la liturgie florale