Envoyés dans le monde

14 juillet 2024 – 15e dimanche du T.O., année B
Am 7,12-15 ; Ps 84 (85) ; Ep 1,3-14 ; Mc 6,7-13
Homélie du frère Arnaud Blunat



Parmi les religions du monde, il semble que celle qui subit le plus de persécutions, c’est la religion chrétienne. A plusieurs reprises, Jésus a prévenu ses disciples. Il a lui-même été incompris, rejeté, et finalement condamné à mort. Comment être chrétien aujourd’hui dans ce monde qui se détourne du Christ, qui se désintéresse de l’évangile et ne nous attend plus ?
Les conditions dans lesquelles Jésus envoie ses apôtres semblent si loin des réalités actuelles. Et pourtant, prenons le temps de souligner au moins quatre aspects qui pourraient encore nous éclairer :

1) Jésus appelle et envoie ses disciples deux par deux.
Il fera de même lors de son entrée à Jérusalem et pour préparer son repas pascal.
Dans la bible, les hommes et les femmes vont souvent deux par deux.
Au commencement Dieu bénit l’homme et la femme pour qu’ils ne fassent plus qu’une seule chair.
Quel beau témoignage que celui d’un couple qui s’aime, qui témoigne de son amour à travers son engagement dans la fidélité !

2) Jésus donne à ses apôtres pouvoir sur les esprits mauvais.
On voit par la suite les apôtres chasser des démons et faire des onctions d’huile sur les malades.
Si la visite aux malades, l’attention portée aux plus pauvres, constitue le témoignage des chrétiens aux yeux du monde, il faut également mentionner le souci de promouvoir le pardon, d’encourager à la réconciliation, de sorte que tout chrétien peut être un médiateur, un faiseur de ponts, un promoteur de justice et de paix. La mission confiée plus particulièrement aux prêtres est de conférer les sacrements de guérison que sont le pardon des péchés et l’onction des malades. Mais tout chrétien honore le nom qu’il porte quand il fait attention à l’autre, quand il prend le temps de s’arrêter pour s’intéresser et prendre soin de son frère.

3) Jésus demande à ses apôtres de partir sans rien emporter avec eux, si ce n’est un bâton et des sandales. Un régime aussi spartiate semble aujourd’hui en décalage avec la réalité. C’est l’idéal qu’ont suivi au 13e siècle les dominicains et les franciscains, mais c’était pour rejoindre ceux qui prétendaient vivre l’évangile malgré de graves déviances doctrinales.
Voyons dans ces deux signes du bâton et des sandales, les symboles de force et de détermination qui doivent nous habiter, dans une démarche de générosité et de disponibilité pour prendre notre part à la mission de l’évangile.

4) Enfin Jésus invite ses disciples à accepter l’hospitalité, telle qu’elle se présentera. En cas de refus, il faut mieux se retirer sans s’imposer. On ne force personne à recevoir l’évangile, ni à y croire. De même que Dieu nous laisse libres de l’aimer, nous sommes invités à cette même liberté dans le témoignage que nous pouvons rendre.

Mais que devons-nous annoncer ? La bonne nouvelle de l’évangile nous est présentée dans la magnifique hymne aux Éphésiens que nous avons écouté en deuxième lecture, un texte dense et puissant, qu’il faut relire et méditer inlassablement. Voici ce que ce texte nous dit en résumé :

Dieu nous a choisis depuis le commencement, il nous a appelés à devenir des saints, il nous a destinés à devenir ses fils et ses filles dans le Christ, le Fils unique.
Il nous a enfin comblés de sa grâce, le don gratuit de son amour, le don qui apporte le pardon de nos péchés, mais également le don de sagesse et d’intelligence qui permet de comprendre ce que Dieu a voulu faire : rassembler l’humanité en un seul peuple, réconcilier le monde par et dans le Christ, par l’œuvre de la rédemption accomplie par sa mort et sa résurrection.

Nous avons aussi dans le psaume 84 un enseignement très riche qui résume l’action de Dieu en faveur des hommes et la réponse que les hommes doivent rendre à Dieu : relisons deux versets de ce psaume :

« amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent.
La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice »

Dans ce double mouvement descendant et ascendant, nous comprenons que l’amour vient d’en haut, de Dieu, il nous est communiqué par l’Esprit Saint. La vérité, elle, vient de la terre. C’est le Christ, au milieu des hommes qui fait germer sa parole de vérité. S. Jean dit fort justement : celui qui fait la vérité vient à la lumière (1 Jn 3,21).
De même la justice vient d’en haut, elle permet aux hommes d’être des justes, de s’ajuster à la miséricorde divine. Isaïe a écrit : « cieux répandez votre justice, que des nuées, vienne le Salut » (Is 45,8).

Ainsi se poursuit le dialogue entre Dieu et l’homme, quand celui-ci sait se mettre à l’écoute de Dieu et accueille dans son cœur l’invitation à aimer.

Ce message est simple, beau, mais on ne peut oublier que le cœur de l’homme s’est endurci. Dieu reproche d’ailleurs sans cesse à son peuple d’être un peuple à la nuque raide. Il veut n’écouter que lui-même. La vie de Dieu ne peut plus circuler, la parole ne peut plus descendre jusqu’au cœur et revenir par la bouche en louange et en action de grâce.
Ce qui mine le cœur de l’homme, c’est le dessèchement du cœur, le repli sur lui-même, le refus d’entendre la parole qui donne vie. Or Dieu ne cesse de vouloir irriguer nos cœurs, transformer nos vies, faire des fleuves d’eau vive dans nos déserts intérieurs.

Être chrétien aujourd’hui, c’est d’abord se mettre à l’écoute de Dieu, pour ensuite témoigner de cette parole qui nous habite et nous libère, c’est être des artisans de paix et de réconciliation, grandir dans une relation de confiance et de liberté sans cesse à recréer.

Frère Arnaud Blunat op

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