Gaspard, joie et paix de Noël, par Fr Hervé Ponsot

A propos de Is 52,7-10 et Jn 1,1-18

Frères et sœurs, n’y a-t-il pas quelque chose d’indécent à célébrer en ce jour la paix, la consolation, la joie, la lumière ou encore la grâce, et je ne fais que reprendre des termes tirés de nos lectures, alors que tout près de nous ou plus lointainement, tant de personnes et de groupes, et je pense particulièrement aux chrétiens d’Orient, n’ont plus d’églises, plus de toits, plus de nourriture ? Où sont-elles donc pour tant de populations autour de nous cette paix et cette joie annoncées ?
Une telle indignation paraît légitime, pourtant elle n’est pas juste : nous attendons tous bien sûr la paix, la joie et la lumière dans notre monde, et le plus tôt possible, tout ce que Jésus est venu précisément apporter, mais elles se trouvent dans sa personne avant d’être dans notre monde. Nos lectures nous le disent clairement : il est « celui qui revient à Sion », il est la consolation et la gloire de Dieu, il est notre paix ; écoutez encore saint Jean : « la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ».
Frères et sœurs, la bonne nouvelle de cette nuit n’est pas que paix, lumière, joie soient présentes dans notre monde, mais qu’elles soient venues et disponibles dans la personne de Jésus : et il nous revient maintenant de les annoncer, de les faire connaître, de les mettre en œuvre dans notre monde. Vous me direz : « où est-il pour nous ce Jésus, que nous lui rendions hommage, pour que nous trouvions en lui notre paix et que nous l’annoncions autour de nous ? » Ce fut plus ou moins, vous l’avez sans doute reconnue, la question des Mages à Hérode, et ils ont trouvé Jésus dans une crèche, autrement dit là où ils ne l’attendaient pas.
Gaspard          Voilà exactement l’expérience que j’ai pu faire jeudi dernier dans la banlieue parisienne, où je suis allé retrouver un petit garçon de 39 mois, Gaspard. Celui-ci est atteint d’une maladie neurodégénérative grave, et il est en sursis, sous une couverture de survie qui porte bien son nom comme remarque Benoît son père. Les parents ont ouvert il y a 14 mois une splendide page Facebook, merveille d’amour, d’humanité et de profondeur spirituelle : chaque semaine, plus souvent ces derniers temps, ils y relatent leur vie auprès de Gaspard, dans des mots qui touchent au plus profond plus de 67.000 lecteurs.
L’espérance de vie de Gaspard était de 4 ans : il ne les atteindra pas, il est aujourd’hui aux portes du ciel, il ne quitte plus son lit depuis 4 mois, il entend un peu mais ne parle pas, il ne voit plus malgré ses magnifiques et immenses yeux bleus, il est nourri et soigné par sonde, ses membres se recroquevillent. Au cours de ma visite, je l’ai trouvé allongé au milieu de sa chambre, sur un matelas qui semblait de paille, tout menu, respirant difficilement. Autour de lui, pour lui parler, pour prier avec lui et sa famille, on s’agenouille. Gaspard reçoit souvent deux visites par jour, des gens que ses parents ne connaissent absolument pas mais qui demandent à le voir. Certains viennent d’Orient, d’autres du Sud : jeudi, je fus l’un d’eux. On vient avec des cadeaux, que la sœur de six ans va déposer sous le sapin, près du tout petit chausson de Gaspard.
Deux heures merveilleuses, qui m’ont transpercé le cœur et… fait beaucoup pleurer et méditer. Tout à coup, autour de Gaspard, avec ses parents, avec moi et tous ceux qui viennent de loin apportant leurs cadeaux, j’ai vu la crèche de Noël, j’ai vu les Mages et j’étais l’un d’eux, j’ai vu l’Enfant-Jésus là où personne a priori n’aurait pensé à aller le chercher, dans un enfant impuissant, mourant, et donnant vie et paix à tous ceux qui l’entourent dans une douleur et une douceur indiciblement mêlées.
Frères et sœurs, je vous parle d’une crèche bien précise, mais regardez autour de vous : je suis sûr qu’il est d’autres crèches où vous allez pouvoir trouver l’enfant Jésus, sans doute là où vous ne l’auriez pas cherché. Partout où la faiblesse, la peine, la solitude ou l’impuissance sont là, Jésus est là aussi : il vous attend, il vous ouvre ses bras et vous donne sa paix et sa joie.
Fr Hevé Ponsot op.

P. S. Action de grâces : les parents de Gaspard souhaitaient célébrer ce dernier Noël avec Gaspard, son frère et ses deux sœurs, et leur vœu a été exaucé, sans doute avec l’intercession d’une immense chaîne de prières qui s’était mise en place. Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

Lien vers la liturgie florale du jour : Enfin Noël !