Le Déluge – Turner 1805
Lc 21, 5-19
« Ce que vous contemplez, des jours viendront
où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » »
Enregistrements et texte de la prédication :
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« Je suis prêt mon Dieu »
» I am ready my Lord ». Ainsi Leonard Cohen conclut-t-il une des chansons de son dernier album You want it darker, alors que le chantre de la synogogue Shaar Hashomayim de Montréal, finit par cantiller en hébreu sur un fond d’orgue d’église « hineni, hineni »… me voici, me voici. Cohen en écrivant cette chanson, disait que si une partie de l’âme de chacun d’entre nous est motivée par des impulsions profondes et des appétits réels à servir, à se donner, à se sacrifier, ce n’est que dans les moments graves et d’urgence, que nous sommes en mesure d’identifier ces désirs et d’y répondre. Quand il écrit ses mots, il se savait atteint d’un cancer inguérissable.
En cette fin de l’année liturgique, la Parole de Dieu veut nous aider à saisir que nous sommes dans cet état d’urgence : « Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, déclare le Seigneur de l’univers… Mais pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement » (Ml 3, 19-20).
Nous sommes dans cette urgence des derniers jours, et il y a donc une gravité. C’est en effet en ce jour du Retour du Christ que nous serons jugés. Mais attention, nous ne nous trouverons pas devant un tribunal. Le Seigneur n’est pas ce juge qui porte la robe noire d’un magistrat de première instance. Par sa lumière glorieuse, il nous révèlera la vérité de nos vies et celle de l’histoire du monde. Plus d’ombre, plus de zones grises, plus de faux-semblant, tout sera clair : Dieu révèlera notre cœur à nos yeux et nous saurons si nous avons été fidèles ou infidèles à la voix de Dieu perçue dans notre conscience ou reçue par la prédication et l’annonce de l’Evangile. Oui, nous saurons alors si nous L’avons accueilli, Lui, le Seigneur, si nous L’avons entendu, si nous avons répondu à ce qu’Il nous demandait, si nous avons suivi Sa Parole ou si nous avons été des menteurs, des traitres ou des hypocrites : tout nous sera révélé.
Mais quand viendra ce jour ? C’est la grande question ! On aimerait le savoir, mais personne ne sait le jour et l’heure de sa propre mort, alors comment savoir celle de la fin de l’histoire ?
La première génération des chrétiens a eu le sentiment que ce jour était proche. « Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive » dit d’ailleurs l’évangile de saint Luc (Lc 21, 32). Mais, les années ont passé, les siècles, les millénaires. Ce qui nous est donc dit là dans cette parole de Jésus est autre chose, quelque chose de plus fondamental : Jésus Christ ne cherche pas à répondre à la question du jour et de l’Heure, mais il invite ses disciples durant cette période séparée par son ascension et son retour, à entrer dans l’espérance, à entrer dans la vie, dans sa vie. « Comment faut-il vivre en attendant ? Comment l’humanité attend-elle le retour du Christ ? Comment attend-on le jour de notre mort ? Que fait-on ? Reste-t-on « dans l’oisiveté, affairés sans rien faire » (2 Th 3, 11) ou bien travaille-t-on et essaye-t-on d’agir pour changer le monde, transfigurer la terre, adoucir le cœur de l’homme abîmé par les pluies acides de son égoïsme ?
Dans l’Evangile, Jésus annonce la destruction du Temple ! Comme grand devait être l’émoi des juifs alors. Imaginez notre consternation si devait disparaître la cathédrale Notre Dame de Paris ou la Basilique Saint Pierre. Jésus parle du sublime Temple de Jérusalem, pâle copie pourtant de celui de Salomon et il prophétise : « il sera détruit, il n’en restera pas pierre sur pierre » (Lc 21, 6) ! Cette annonce est un cataclysme religieux car l’identité juive est liée à ce Temple !
Jésus ne dit rien de l’Heure, mais il annonce des signes précurseurs : les pays dressés les uns contre les autres, les fléaux de la nature, les épidémies, bref, la première page de Midi Libre, qui finalement, sans le savoir, écrit chaque jour une page d’Evangile ! Derrière ces signes, nous y voyons bien sûr notre précarité, nous percevons combien dur est le cœur de l’homme, arrogant, égaré, fanatisé, mais pour autant, tous ces signes ne sont pas Le Jour de son retour. Les signes étaient là hier, ils sont toujours là aujourd’hui. A écouter Jésus avec attention, nous découvrons qu’Il ne nous ment pas : nous chrétiens, nous continuons aux quatre coins du monde à vivre la persécution, le martyr, les lapidations, les crucifixions. A Mossoul, en Syrie ou en France, des chrétiens sont tués parce qu’ils portent le nom de chrétiens et croient que le Christ est le Dieu qui vient à l’Homme pour le sauver. Jésus nous le dit : « On vous traduira devant les tribunaux, on vous mettre à mort et en faisant cela on croira servir Dieu » (Lc 21, 12). Voici le climat et la situation réels dans lesquels nous sommes appelés à vivre la fidélité au Seigneur ! Il est certains, que ce n’est pas très vendeur, et plus encore quels sont les parents qui peuvent souhaiter cela à leurs enfants ?
Au fond, il y a un vrai risque de découragement. Notre aspiration à vivre en paix, à avoir la paix, peut nous conduire à être tenté de baisser les bras, à nous cacher, à nous faufiler dans les méandres de l’indifférence pour échapper à l’hostilité. On se contenterait d’une foi intériorisée, secrète, au risque cependant de s’habituer à vivre comme si le Christ n’était pas venu… Voilà qui serait tentant, voilà qui serait sans-doute facile, mais ce n’est pas ainsi que l’Evangile se fait connaître au monde, ce n’est pas ainsi que l’Evangile se répand, ce n’est pas ainsi que se vit l’Evangile.
Comment se vit-il? Et bien en ne craignant pas l’adversité. « Je ne rougis pas de l’Evangile ». Et Jésus vient aussi nous rassurer : « Ne vous inquiétez pas de votre défense, dit le Christ. On portera la main sur vous, on vous fera comparaître, ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n’avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » (Lc 21, 14-18).
Pas un cheveu ne sera perdu. Cette phrase de Jésus n’est pas qu’une bonne nouvelle pour les chauves qui ont perdu leurs cheveux. Elle veut dire que la plus petite, la plus infime des choses, la plus fragile de toutes les réalités qui nous sont les plus précieuses comme la vie, le bonheur, la joie, ces réalités fragiles que nous recherchons et que nous voulons, Dieu nous dit que rien de cela ne sera perdu. Les belles pierres de nos maisons ou de nos appartements, les bijoux ou les diamants que certains possèdent peut-être, tout cela peut disparaître, mais ce qui est le plus fin, le plus subtile, le plus délicat à notre cœur a aussi du prix pour Dieu et ne sera pas perdu. Nous pouvons le croire car Jésus ne ment pas. Il nous dit que nous serons persécutés et persécutés nous le sommes, Il nous dit que pas un cheveu de notre tête ne sera perdu et bien pas un cheveu ne sera perdu.
Chers amis, nous pouvons faire confiance au Seigneur et nous pouvons porter Sa parole, la prononcer, la transmettre, parce que c’est une parole capable de transformer le cœur de l’homme. Les paroles du Seigneur et son Corps et son Sang qu’Il nous donne, ce sont nos protéines quotidiennes. Par le sacrement de la Parole, par le Sacrement de l’Eucharistie, Il nous encourage chaque jour, même quand nous constatons que le cœur de l’homme aveuglé est capable de terroriser son prochain. Le Seigneur nous encourage à être inventifs, à retrousser nos manches, à partager nos fragilités et nos forces, par passion pour ce monde où Dieu se tient. Jésus nous encourage à être là, debout, à Le servir et donner un peu plus que notre chemise.
Alors, en ces jours sombres qui annoncent sa venue, forts de sa Parole de vérité, nous pouvons nous présenter devant toi et chacun de te dire : « I am ready my Lord », je suis prêt mon Dieu.
Fr Emmanuel Pisani op.