Jésus au milieu de ses disciples

Prédication du frère Jorel François pour le 2e dimanche de Pâques (sur Jn 20,19-31)


Jésus au milieu de ses disciples

Le monde est en train de faire l’expérience de la fragilité de la vie. Cette épidémie devenue pandémique permet de rappeler une fois de plus que l’espèce humaine peut disparaître de la surface de la terre…Et pour au moins cette fois, dans certains milieux, on en a pris conscience, on a vraisemblablement compris que la situation était grave, et qu’il fallait faire quelque chose. Le confinement est imposé pour limiter l’expansion du virus. Il s’agit de se contraindre à des sacrifices (le mot a mauvaise presse) pour ménager la vie et sauver ce qui peut être sauvé…

Confinés dans la chambre haute, les disciples (mathètai) sont dans une situation assez semblable à la nôtre. Ils ont vu le système politico-religieux arracher Jésus à la vie terrestre. Sensibles aux idées et aux actions de ce Maître pas comme les autres, ils ont compris qu’eux aussi, comme disciples, étaient menacés. Ils sont donc allés se cacher pour se protéger. Dans leur réclusion, ils ont probablement tout mis en commun. Les apôtres mangeaient vraisemblablement d’ailleurs dans une bourse commune quand Jésus était là, présent, vivant avec eux, marchant, prêchant, guérissant les malades, manifestant la compassion de Dieu pour le monde. C’est ce qui est en quelque sorte souligné dans la première lecture (Ac 2, 42-47): communauté de biens matériels (apanta koina, ta ktèmata kai tas yparxeis), communauté de biens spirituels (…tè didachè ton apostolon kai tè koinonia kai tè klasei tou artou kai tais proseuchais).

Communion, partage qui, toutefois, ne va jamais de soi : de tels miracles sont plutôt rares entre les hommes. Cela suppose un projet qui en vaut la peine. Se mettre d’accord en vue du bien, se serrer les coudes pour protéger la vie… il faut que la vie soit vraiment menacée pour vouloir se priver, et s’imposer des limites…accepter de marcher les uns avec les autres, partager les ressources…, il faut bien qu’il y ait un tiers, la présence d’un catalyseur pour le forcer, l’obliger…le rendre possible.

C’est sans doute ce que les apôtres ont compris. Dès le surlendemain de la tragédie de la mort de Jésus, ils ont recommencé à en prendre conscience. Ils ont recommencé à expérimenter la présence de Jésus au milieu d’eux (mathètai synegménoi… Ièsous estè eis to meson). Leur stratégie de survie, l’organisation qu’ils ont mise en place et qu’ils perpétuent dans la chambre haute rappelle et manifeste cette présence, mais sous une forme miraculeuse, dans la foi.

Non, le maître n’est pas mort : il est toujours vivant, il est (d’autant plus que le corps n’est plus au tombeau) ressuscité, revenu à la vie; il est toujours présent, vivant en chair et en os, présent, vivant au milieu d’eux, et plus largement en chacun de nous qui aimons la vie, qui œuvrons pour la vie. Autrement un tel miracle, une telle communion entre les disciples aurait-elle été possible…?

Sans Jésus, nous sommes perdus, parce que nous nous dispersons. C’est Jésus qui nous rassemble, c’est lui notre unité, notre vie…C’est pourquoi, dans la deuxième lecture, l’Apôtre rend grâce au Père d’avoir ressuscité Jésus des morts (eulogètos o theos kai pater…anastaseos Ièsou Christou ek nekron). Dieu, dans sa grande bonté, continue de prendre soin de son peuple, Dieu continue de nous visiter. Il est plus que jamais Emmanuel, Dieu-avec-nous (1 P 1, 3-9).

Dieu est fidèle. La méchanceté des hommes ne peut pas faire échec à son dessein bienveillant et ruiner complètement son projet de vie. C’est à cette foi, cette charité, cette espérance que nous invitent les textes de ce deuxième dimanche de Pâques.

Jésus est au milieu de nous comme il l’était au Cénacle. Partout où deux ou trois sont réunis en son nom, pour faire le bien, il est là présent au milieu d’eux… C’est donc l’Église qui est là, présente…, c’est l’Église qui se met en place, et qui se construit. Et Jésus nous charge d’une mission, nous les chrétiens réunis en son nom, et cette mission est la même dont il était chargé : de même que j’ai été envoyé par le Père, de même je vous envoie… (kathos apestalken me o patèr, kago pempo ymas).

L’Esprit du Père et du Fils vous est donné (enephysèsen kai legei autois, labete pneuma agion). Allez embraser le monde d’amour, allez claironner les bienfaits de Dieu pour le monde, allez œuvrer pour que la vie l’emporte sur la mort, allez chanter les merveilles de Dieu pour le monde aujourd’hui.