Jésus, fils de David, aie pitié de moi… de Fr Jorel François.

Jésus et Bartimée, l’aveugle de Jéricho.

Jésus guérissant l'aveugle de Jéricho

Mc 10, 46-52

 » Va, ta foi t’a sauvé. « 

 

Homélie dominicale de Fr Jorel François:

Version phonique:

Version écrite:

   Jésus, fils de David, aie pitié de moi !

   Quel brave homme que ce Bartimée, littéralement fils de Timée!

   Les gens de la région le connaissaient comme étant l’Aveugle. Aveugle, à moins qu’on ne le prenne en charge et le guide, il était sérieusement réduit dans ses possibilités de déplacement : il ne pouvait pas aller loin. Aussi, était-il souvent là, dans ce petit espace, au bord de la route, rivé à son train-train, aplati, enfermé dans sa routine qui le rendait encore plus aveugle, encore plus ignorant des grands espaces, du reste du monde.

   Bartimée était donc là, au bord de la route, assis. C’est une position très négative dans la bible, car elle évoque une situation de stagnation, une certaine permanence dans le mal.

   Ce sont généralement ceux qui ricanent : les buveurs de boissons fortes et les méchants qui sont assis. Et l’homme de bien ne s’assoit pas dans leur cercle, lisons-nous dans l’Ancien Testament (Ps 1).

   Dans le Nouveau Testament, Matthieu est assis, derrière sa table de collecteur d’impôts. Il était alors publicain, pécheur, alors connu de tous ; comme Zachée, il était pécheur public (Mc 2, 13-17).

   Quand on est assis, on ne bouge pas, on a tendance à s’engourdir, parce qu’on a les membres trop rassis. Pour s’activer, se donner du mouvement et se réchauffer, Bartimée avait son manteau.

   Mais c’est quelque chose de pesant, un manteau, et qui plus est, porté par un aveugle, qui est assis…

   Bartimée était donc comme plombé, écrasé par cette chape.

   Le manteau sert à se réchauffer, mais aussi, tel un linge ordinaire, à se couvrir la nudité, et donc à cacher quelque chose dont on ne veut pas que cela se voit. Un manteau, c’est donc aussi parfois un cache-misère, un masque…

   Flanqué de ce manteau, Bartimée avait alors quelque chose à cacher, peut-être quelques misères : des péchés…

   On s’en souvient, le premier exemple est donné en Genèse : après avoir désobéi, Adam et Ève, ne trouvant pas mieux, se couvrirent avec des feuilles ridicules : ils voulurent se cacher, ils voulurent se masquer. Ils refusèrent la nudité, qui peut alors être, dans la bible, signe de vérité, signe d’humilité, d’authenticité.

   Aller nu n’était alors pas gênant, immoral, car ce n’était pas provoquer, encore moins s’exposer au voyeurisme. Le mal n’existant pas encore, c’était plutôt signe de l’innocence, signe de la vie paradisiaque. La nudité est encore, dans certains milieux culturels, religieux, symbolique de pureté.

   Bartimée avait donc conscience qu’il avait perdu une certaine innocence ; il savait que le mal était là, et qu’il en avait peut-être aussi commis ; contre lui-même, et peut-être aussi contre d’autres, contre Dieu, le Tout-Autre.

   D’ailleurs, dans la mentalité vétérotestamentaire, tombe-t-on dans pareil état, souffre-t-on d’une affliction quelconque sans que soi-même ou quelqu’un des siens n’ait péché, et donc n’en soit responsable ?

   Bartimée n’était pas clair avec lui-même ni avec Dieu et alors ni avec les autres. Aussi s’affuble-t-il, se masque-t-il. Mais était-il pire que cette foule qui court après Jésus ?

   Bartimée était certes aveugle, assis, engoncé dans son manteau, mais il n’était ni sourd ni muet. Quand il entendait et comprit que c’était Jésus qui passait, il cria, demanda de l’aide. La foule, tumultueuse, chercha à le dissuader, à couvrir son cri.

   La foule est égocentrique, égoïste ; elle veut tout pour elle seule, parce qu’elle se croit être tout à elle seule. Elle croit avoir tout, se croit capable de tout.

   Cette foule a beau courir après Jésus, elle n’est pas moins loin de lui. Toute aussi aveugle que Bartimée, si ce n’est pire, c’est une cohue sans charité, dépourvue d’esprit missionnaire, dépourvue de l’Esprit du Christ. Elle refuse que d’autres puissent accéder à Jésus qu’elle croit «posséder». Elle ne veut pas partager avec Bartimée le bonheur qu’elle a d’«avoir» Jésus, de pouvoir le «suivre».

   Jésus, lui, entend et la foule et Bartimée. Il sait que c’est et pour l’un et pour l’autre qu’il est venu. Et il va, pour ainsi dire, obliger la foule de reconnaître ce qu’elle aurait eu du mal à reconnaître : accepter qu’elle ne soit pas tout. Il va lui demander de faire ce que, en d’autres circonstances elle aurait refusé de faire: ouvrir les yeux, se montrer charitable, se faire le prochain de l’autre, devenir missionnaire.

   C’est donc à la foule que Jésus demande d’appeler l’Aveugle. Et celle-ci, changeant miraculeusement d’attitude, obéit : «courage, lève-toi, il t’appelle», dit-elle au jeune homme.

   Des paroles d’encouragement, des paroles de résurrection. Des paroles de chrétiens.

   Bartimée qui, comme la foule, avait lui aussi ses pesanteurs, jeta son manteau et bondit !

   Pour un aveugle, c’est extraordinaire, c’est invraisemblable. Si aveugle, Bartimée peut être aussi preste, aussi vif, aussi agile, que ne fera-t-il pas maintenant qu’il a, comme la foule, retrouvé la vue…

   Nous sommes tous un peu comme Bartimée. Nous avons nos aveuglements, nos pesanteurs. Crions vers le Christ pour qu’il ait pitié de nous et nous guérisse.

   Nous sommes tous un peu comme la foule. Il nous arrive d’être égoïstes, peu charitables et donc de faire obstruction à l’Évangile. Écoutons Jésus qui nous invite à nous ouvrir le cœur et qui veut faire de nous des disciples, des missionnaires. Amen.

Fr Jorel François op.

Lien avec la décoration florale du jour: La foi pour sauver le monde…