Dimanche 12 juin 2022
Solennité de la Sainte Trinité, année C
Pr 8,22-31 ; Ps 8 ; Rm 5,1-5 ; Jn 16,2-15
Homélie du frère Damien Duprat
Dieu ! Que dire sur Dieu ?
Plus précisément : qu’avons-nous le droit de dire au sujet de Dieu ? Avons-nous même le droit de formuler quelque parole que ce soit pour dire qui est Dieu ?
Même son existence est contestée par certains, qui affirment qu’il n’y a pas de Dieu, faisant ainsi profession d’athéisme.
Selon les agnostiques, c’est un peu différent : ils ne se prononcent pas sur la question de dire si oui ou non, il y a un Dieu.
Venons-en à ceux qui croient en quelque chose de divin : tous ne sont pas d’accord sur ce dont il s’agit, loin s’en faut ! « Je crois qu’il existe quelque chose qui nous dépasse », affirment certains ; « il y a une ou des énergies qui gouvernent l’univers », disent d’autres ; parmi ceux enfin qui emploient le nom de « Dieu », tous ne s’entendent pas non plus pour le décrire, pour dire comment il est, et ce qu’il fait.
Alors, au nom de quoi l’Église a-t-elle la prétention de dire et d’enseigner comme vraies des affirmations précises et développées au sujet de Dieu ? Et en particulier, de le nommer comme très Sainte Trinité ?
À cette question, il y a une seule réponse : c’est parce que Dieu lui-même s’est révélé.
Le peuple que nous formons est le peuple de ceux qui croient que le Seigneur de l’univers s’adresse à nous pour se révéler et pour nous sauver, et que cette œuvre s’est accomplie en Jésus-Christ.
Nous avons des raisons de le croire, et elles sont nombreuses : notre expérience de vie personnelle, illuminée par la rencontre avec le Christ ; la sagesse et la cohérence de l’Écriture sainte ; la figure incomparable de Jésus-Christ dont témoignent les Évangiles ; la vie de l’Église ; etc. Oui, nombreuses sont les raisons de faire nôtre la foi de l’Église !
C’est à elle que le Christ a confié la mission et le pouvoir de transmettre fidèlement au long des âges tout ce qu’il offre à l’humanité. Or l’Église, justement, ose affirmer que Dieu est Trinité. Ce terme, il est vrai, ne figure pas dans la Bible ; pourtant, ce qu’il désigne s’y trouve bel et bien : il y a un seul Dieu, et ce Dieu unique est Père, Fils et Esprit Saint.
Je le redis : Dieu seul peut nous donner la connaissance véritable de son être trinitaire. Un tel acte de foi ne saurait être l’aboutissement d’une pensée seulement humaine, comme par exemple de dire : « Dieu est amour, or pour aimer il faut être au moins deux ». On peut avoir l’idée d’employer un tel argument, par exemple pour répondre à quelqu’un qui nous interroge sur notre foi. Pourtant, pour bien intentionné qu’il soit, ce raisonnement est plus que discutable. Premièrement, nous ne saurions pas que Dieu est amour si lui-même ne nous l’avait révélé (1 Jn 4,8.16) ; tant qu’à fonder notre foi sur l’Écriture sainte, et c’est bien ce que nous faisons, autant ne pas nous limiter à certaines données bibliques, mais les exploiter au maximum ; or c’est bien dans l’Écriture que l’Église trouve les éléments de sa foi trinitaire. Deuxièmement, quand on a dit qu’il faut être au moins deux pour s’aimer mutuellement, on n’a pas encore dit que cet amour est lui-même une troisième personne égale aux deux premières. Pourtant, c’est bien ce que nous croyons ! Non, décidément, seuls les textes bibliques, interprétés de façon autorisée par l’Église, nous permettent de croire en Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Cela a fait l’objet du travail intense des premiers conciles de l’Église, en particulier au IVè siècle les conciles de Nicée et de Constantinople, qui ont formé le symbole de foi que nous dirons ensemble dans un instant.
Ainsi, Dieu est unique mais non pas solitaire. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes. J’ajoute un point important : la Trinité ne concerne pas seulement la manière dont Dieu se manifeste à nous et nous sauve ; quand bien même Dieu n’aurait rien créé, quand bien même l’humanité n’existerait pas, le Seigneur existe, dans l’éternité, Père, Fils et Esprit Saint.
J’en viens à dire quelques mots sur chacun d’eux. Le Père, d’abord : il est la source et l’origine de toute la divinité. Il est ainsi appelé car il est par nature Père de la seconde Personne de la Trinité, c’est-à-dire du Fils qu’il a engendré. Tout ce qui est au Père, le Père lui-même le donne à son Fils unique en l’engendrant ; tout, à l’exception de son être de Père. On l’appelle Père aussi parce qu’il est le Père de tous les hommes qu’il a créés, qu’il maintient dans l’existence et sur lesquels il veille par sa Providence ; et enfin, parce qu’il est le Père, par grâce, de tous les baptisés, appelés pour cela les enfants adoptifs de Dieu.
Le Fils est le Verbe, c’est-à-dire la Parole du Père. C’est lui que la Tradition de l’Église reconnaît dans la Sagesse éternelle dont nous parlait la première lecture (Pr 8,22-31) et qui était à l’œuvre dès l’origine. À une époque donnée du temps, ce Fils a pris notre chair en Jésus-Christ pour nous sauver.
Quelques mots sur le Saint Esprit, enfin. Il n’est pas seulement un concept, il n’est pas quelque chose : il est quelqu’un, il est une personne ; s’il était seulement une énergie sans visage, pourrait-il nous parler, pourrait-il agir en nous dans le but de nous sauver, comme Jésus nous le rappelait dans l’Évangile d’aujourd’hui ? Il est l’amour qui unit le Père et le Fils, et il a été répandu dans nos cœurs : saint Paul nous l’a dit dans la deuxième lecture de ce jour.
Ces trois personnes forment la Trinité consubstantielle. Ce dernier terme, comme vous le savez, a été récemment introduit dans la traduction française du Credo ; je vais maintenant en dire quelques mots.
Dans cette église, nous sommes tous de même nature : la nature humaine ; en revanche, il y a ici autant de substances que de personnes.
Concernant Dieu il en va autrement : le Père, le Fils et le Saint Esprit sont non seulement de même nature, la nature divine, mais tous les trois ne forment qu’une seule substance, c’est-à-dire un seul être. Comme le dit une formule ancienne : « autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de l’Esprit Saint ; mais du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, une est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté » (Symbole « Quicumque » ; cf. Catéchisme de l’Église catholique n°266).
Ces trois personnes sont égales, même s’il y a la première, la deuxième et la troisième. Cet ordre n’est pas un ordre de dignité ni de temporalité. Le Père, bien qu’il soit la première personne divine, n’a jamais été seul, c’est de toute éternité qu’il engendre le Fils ; et de toute éternité aussi, l’Esprit Saint procède du Père et du Fils.
Ainsi Dieu s’est révélé à nous. Pour autant, nous ne pouvons pas le saisir pleinement. Dieu demeure pour nous un mystère, c’est-à-dire non pas quelque chose d’impénétrable, mais plutôt une réalité dans laquelle Dieu lui-même nous invite à entrer, et qu’il nous donne d’explorer, de connaître et d’expérimenter de mieux en mieux, mais qui pourtant échappera toujours à nos intelligences créées.
Ici-bas, c’est dans l’obscurité de la foi que Dieu nous fait déjà la grâce de vivre de sa vie divine ; mais n’oublions pas que nous sommes destinés à le contempler, au-delà de la mort, face à face dans sa lumière éternelle. Amen.
Merci pour cette dense et très complète page de catéchèse à laquelle il sera bon et nécessaire de revenir fréquemment car elle nous instruits en profondeur et définitivement : tout est dit , il nous revient à nous d ‘ en vivre avec l ‘ aide du Saint Esprit qui » nous fera souvenir de tout » . Merci