Dimanche 2 juin 2024
Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, année B
Ex 24,3-8 ; Ps 115 (116 B) ; He 9,11-15 ; Mc 14,12-16.22-26
Homélie du frère Arnaud Blunat
À quoi pensez-vous quand on vous dit : Saint Sacrement ?
Aux processions eucharistiques, avec le Corps du Christ ?
À la messe que l’Église célèbre en mémoire du Jeudi Saint ?
À la communion que nous recevons dans la foi, avec respect ?
Assurément, mais en fait, derrière le mot Saint Sacrement se cache la réalité d’un amour fou, l’amour fou de Dieu pour l’humanité.
Par la folie de la croix, Dieu a ainsi voulu manifester son amour pour nous.
L’amour qui se livre totalement, qui dépasse tous les sacrifices de l’ancienne alliance, comme au temps de Moïse, l’amour qui pulvérise tous les pseudo-sacrifices païens, ces dramatiques sacrifices humains qui ne peuvent enrayer le cycle infernal de la violence et de la mort.
Seul le sacrifice du Christ sauve les hommes parce qu’il est l’expression de l’amour qui unit le Père au Fils dans l’Esprit qui les unit. Seul ce sacrifice, qui sauve du péché et ouvre le chemin de la vie, fait entrer les hommes dans l’alliance éternelle avec son Père et notre Père.
La lettre aux Hébreux le dit en effet : « son sang purifie notre conscience des actes qui mènent à la mort ».
La grande mystique italienne du 14e siècle, Sainte Catherine de Sienne, commençait toutes ses lettres par : « Je vous écris dans le Sang Précieux de Jésus-Christ » et invitait ses interlocuteurs à « se plonger dans le Précieux Sang » de l’Agneau. Mais elle n’était pas la seule. Saint Ignace de Loyola s’écriait : « Sang de Jésus-Christ, enivre-moi ! »
En réalité, ce langage est totalement incompréhensible si l’on n’associe pas le sang à l’amour, et si on ne se réfère pas aux paroles mêmes de Jésus : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu ».
La carmélite Marie-Madeleine de Pazzi l’avait bien compris, elle qui s’est écriée : « Ô Amour, j’aurais aimé être la terre qui recevait ton Sang ! Amour, fais au moins que les cœurs des créatures le reçoivent. »
Le sang renvoie à la vie, à l’amour. Donner son sang permet de sauver des vies humaines, c’est offrir sa vie pour ceux qui risquent de mourir. C’est l’acte d’amour le plus beau, le plus radical. Jésus, quant à lui, veut nous sauver de la mort éternelle.
Ainsi, les paroles de Jésus au soir du Jeudi Saint n’ont pas de sens si l’on oublie qu’il est venu donner sa vie en abondance, qu’il est venu pour faire connaître son Père et nous faire entrer dans leur communion d’amour par l’Esprit qui leur est commun.
L’eucharistie est le signe, le sacrement de cet amour radical, de ce don entièrement gratuit, totalement libre. Or cet amour est le seul qui puisse nous purifier, nous sanctifier.
Il appelle de notre part, une reconnaissance, une adhésion de tout notre être, une réponse de toute notre personne. Hélas, bien souvent nous sommes trop tièdes. Nous restons là, comme des spectateurs, insensibles, indifférents, trop timorés. Nous communions par habitude.
Nous avons peur de perdre le peu que nous avons, de le donner à Dieu.
Alors nous nous contentons d’être présents, mais sans trop participer, de peur d’aller trop loin en nous engageant.
L’eucharistie ne peut pas se vivre à moitié, elle ne se contente pas de demies mesures. Elle est une réponse totale à l’amour qui se livre ou bien elle s’évanouit dans la médiocrité, la banalité, elle s’évapore comme la buée, sans laisser de trace.
Le Saint Sacrement de l’eucharistie, c’est un foyer ardent, un feu qui devrait embraser tout notre être, transformer toute notre vie, nous pousser à donner notre vie pour les autres.
Retenons l’exemple du jeune italien Carlo Acutis, qui sera prochainement canonisé.
Carlo était un jeune d’aujourd’hui, passionné par le Christ, fasciné par les miracles eucharistiques. Il a réalisé un site internet qu’on peut encore consulter qui montre comment le Christ a voulu manifester sa présence et son amour, à travers des interventions extraordinaires.
Que faudra-t-il en effet pour toucher le cœur de nos contemporains ? Les discours ne suffisent pas. Il faut des gestes, des témoignages, des exemples d’hommes et de femmes qui vivent intensément la rencontre avec le Christ dans l’eucharistie, et dont le changement intérieur interpelle l’entourage, touche les cœurs, interroge les consciences.
Oui, chers amis, le corps livré, le sang versé du Christ, est et restera à jamais le signe, le sacrement de l’amour infini de Dieu pour l’humanité. Il rejoint les plus simples, les plus humbles, les plus pauvres, mais il fait trébucher les plus endurcis, les orgueilleux, ceux qui pensent savoir et n’ont pas besoin de signe.
Nous allons approcher de ce saint sacrement dans quelques instants.
Nous dirons : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri. Quelle peut être cette parole que Jésus pourra nous dire :
celle qu’il a dite à Pierre après la résurrection : m’aimes-tu ?
Nous oserons lui dire, comme Pierre : Seigneur, tu sais bien que je t’aime.
Dans cette communion, laissons nous aimer par le Christ, lui qui nous a aimés jusqu’au bout. Que ses paroles accompagnent la démarche que nous ferons dans l’humilité :
« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés…
Aujourd’hui, je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis !…
C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples ».