La flagellation du Christ – Le Caravage env 1607
Mt 5, 38-48
« Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis ».
Homélie dominicale de Fr Rémy Bergeret :
Version phonique :
Version écrite :
L’Esprit à notre secours.
« Si l’on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche ». Voilà un passage d’évangile qui a dû alimenter les pensées de Mr Nietzsche et ses impressions globales sur le christianisme. Une religion de faibles pour lui qui rêve de surhomme, de force et de puissance. Pensez donc, on aurait pu garder cette bonne vieille loi du Talion qui maintenait un certain équilibre dans la violence, ou du moins une relative égalité. Nous connaissons en revanche où mène l’escalade de la violence : lors de la dernière guerre, pour un soldat allemand tué, 10 civils (au moins) exécutées en représailles et certaines dictatures ne sont pas loin de cette arithmétique, aujourd’hui…
Allons plus loin : les disciples de Jésus seraient-ils masochistes ou même sado-masos ? Tendre la joue gauche quand on a déjà été frappé sur la droite, n’est-ce pas un peu excessif dans le registre du sacrifice, de la mortification ? Dieu veut-il vraiment cela ?
Plus positive, à la fin de l’évangile, l’invitation à donner de ses biens matériels pour rétablir une certaine justice, corriger des inégalités. De même, donner de son temps pour accompagner l’autre, car « à qui demande, il est juste de donner ». Ceci relève du comportement moral, social auquel on reconnaîtra les chrétiens.
Une fois dépassés l’étonnement, la surprise face à de telles paroles, on perçoit que l’appel de Jésus est une invitation à vivre autrement, non selon la logique du monde, c’est-à-dire dans des rapports de forces, mais selon l’Esprit du Christ qui est amour, douceur, joie et paix (Ga 5,22ss). En clair, nous sommes appelés à dépasser la loi du Talion sans la rejeter pour autant car elle a correspondu à une étape spirituelle de l’alliance de Dieu avec son Peuple, mais elle ne pouvait suffire sur le long terme ni satisfaire les aspirations profondes du cœur humain.
Cela dit, à n’en pas douter, le sommet, la fine pointe de notre évangile (l’originalité de la foi chrétienne), c’est l’amour des ennemis.
Sur ce point, il y a d’abord une question préalable : est-ce vraiment possible, réalisable ? De l’amour en effet, on attend qu’il soit réciproque. Comment aimer des ennemis qui continuent à nous haïr, à nous vouloir du mal ? Cela semble effectivement difficile, voire impossible à vue humaine. Mais voilà, le Christ l’a vécu pleinement : « Père, pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus n ‘a pas mis de condition à ce pardon, il est entier. Et si nous prétendons l’imiter, il faut le suivre jusque-là ; il s’agit d’être parfaits comme notre Père céleste est parfait.
Une 2ème question survient alors : si j’aime mes ennemis (après tout, pourquoi pas ?), que vais-je en retirer, quel intérêt, quels fruits, que dois-je en attendre ? Eh bien, tout simplement, j’aurai accompli l’unique commandement de la charité dans sa totalité, son universalité. Je serai sorti là encore du piège de la violence qui enferme ; en outre, aux yeux de Dieu, il n’y a pas de séparation entre amis et ennemis, bons et méchants, justes et injustes : nous sommes tous radicalement frères parce que tous enfants de Dieu, créés à son image.
Tout ceci n’est possible bien sûr que grâce à l’Esprit qui agit en nos cœurs. Si je suis capable d’aimer mes ennemis, c’est parce que je suis transformé intérieurement au plus profond de mon être par cet Esprit. Cet esprit qui, seul, peut dissoudre les animosités, les antagonismes, les querelles d’égos, et opérer des réconciliations, faire œuvre de paix. C’est donc l’Esprit qu’il nous faut invoquer pour accueillir l’évangile de ce jour et surtout le mettre en pratique, le vivre, pour notre plus grand bonheur (et la gloire de Dieu) !
Fr Rémy Bergeret op.
Lien vers la liturgie florale du jour : Ultime perfectionnement.