L’urgence du service du frère…, de Fr Hervé Ponsot

Le lavement des pieds. Arcabas-1926

Le lavement des pieds. Arcabas-1926

Jn 13, 1-15

 » Il les aima jusqu’au bout. « 

Homélie de Fr Hervé Ponsot:

Version phonique:

Version écrite:

Jeudi-saint : L’urgence du service du frère
Frères et sœurs, lorsque les Hébreux ont célébré la Pâque comme nous l’a rapporté le livre de l’Exode. Ils se sont tenus debout. Les reins ceints, prêts au départ. Il ne s’agissait pas seulement de quitter l’Égypte, qu’ils avaient connue, mais de s’engager dans l’urgence sur un chemin inconnu. Pour une terre que Dieu leur promettait. Cette première Pâque marquait donc « un nouveau départ » comme l’on dit. Et j’ajouterais « dans la foi », avec la seule caution de la parole de Dieu. Et Dieu sait qu’ensuite, dans le désert qui a suivi, cette foi fut mise à l’épreuve.
Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui, autour de nous, pas nécessairement très loin et souvent poussés par la nécessité, quittent leurs amis, leur métier, leur pays. Quelles qu’en soient les raisons, et quelle que soit leur religion, ils vivent un terrible dépouillement, une forme de Pâque. Parmi ceux d’entre eux qui partagent notre foi chrétienne, comme parmi nous, une interrogation lancinante se fait jour. Adressée à Dieu. « Où es-tu dans cet exode ? » Ne nous hâtons pas de donner une réponse toute faite ! Quand on traverse des déserts qui ne sont ni de pierre ni de sable, on attend plus souvent un soutien qu’une réponse sans effet.
Mais que veut dire « les soutenir » ? L’évangile de ce soir nous offre des éléments de réponse. Ce lavement des pieds, que Jean est seul à relater, dit l’urgence du service du frère dans la pureté du cœur. Je parle d’urgence car ce thème n’appartient pas seulement à la première lecture. Mais ressort aussi de l’évangile au travers de la remarque adressée à Pierre : « si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». Dans le contexte du départ de Jésus pour le ciel, cette part concerne la vie à venir. Laquelle se joue aujourd’hui dans le service du frère.
Je parle de service du frère parce que ce lavement des pieds a une valeur symbolique. Que les représentations traditionnelles de la dernière Cène nous montrant Jésus s’abaissant aux pieds de ses disciples, correspondent à la réalité du temps. Ou que les disciples aient été allongés et que Jésus ait dû se positionner derrière eux, l’attitude de Jésus garde la même signification. Dans un cas, il prend la position du serviteur, aux pieds de ceux qui deviennent ses maîtres ; dans l’autre cas, il prend la position du disciple, et celui-ci devient le maître. Il s’agit donc de donner à ceux avec lesquels nous vivons la première place. Soit en avant de nous, soit au-dessus de nous.
Le geste est explicite, mais Jésus insiste sur une dimension de pureté. Pierre l’interprète spontanément comme étant la pureté du corps, alors que pourtant, selon la coutume, les pieds avaient dû être lavés à l’entrée dans la salle du repas : il se méprend, il s’agit de la pureté du cœur, autrement dit de l’intention. Je ne place pas l’autre au-devant ou au-dessus de moi par une humilité fausse ou momentanée, mais je m’engage pour lui parce que je reconnais en lui un frère, mon vrai trésor comme me le disait quelqu’un récemment.
Frères et sœurs, souvenez-vous : quelque temps avant la Passion, Pierre et Jean s’étaient demandé entre eux lequel des deux était le plus grand. Jésus leur répond : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? (…) Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ». Les uns aux autres, dans l’alternance : il n’y a donc ni plus grand, ni plus petit, mais tantôt l’un tantôt l’autre. Dans notre monde, où règnent compétition et rivalité, où la guerre, qui en est souvent la conséquence, est à nos portes ou chez nous, il y a bien urgence à prendre un nouveau départ dans la foi, à mettre au premier plan le service du frère, à voir en lui notre maître.
Fr Hervé Ponsot op.
Lien vers la liturgie florale du jour : Commandement nouveau.