Par le don de l’Esprit, de Fr Benoît-Marie Simon.

« J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. »

Jn 1, 29-34

 » Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. « 

Homélie dominicale de Fr Benoît-Marie Simon:

Version phonique:

Version écrite:

Par le don de l’Esprit…
          Aux cardinaux, qui allaient entrer en conclave pour élire Benoît XVI, l’un d’entre eux, l’archevêque de Bologne de l’époque, posait cette question : pourquoi l’Eglise a-t-elle dû réaffirmer, dans le tout récent document : Dominus Iesus, que Jésus est le seul et unique Sauveur pour tous. Alors que, disait-il, il s’agit du degré minimal de la foi ; et que, d’ailleurs, pendant 20 siècles, cela n’avait jamais été mis en doute ? Et il en tirait la conclusion que cela donnait une idée de l’état de confusion dans lequel nous vivons.
          J’ignore ce que le cardinal Biffi dirait aujourd’hui, s’il était encore de ce monde ! Mais une chose est sûre : il est impossible de lire l’évangile que nous venons d’entendre, et d’ignorer le caractère unique de ce que le Christ a apporté dans notre monde. Soyons plus précis : cela est unique, non pas seulement parce que cela est plus parfait ; mais parce que cela transcende absolument toutes les religions qui ont pu exister avant Lui, ainsi que celles qui existeront après Lui.
          C’est ce que ne cesse de répéter Jean Baptiste. Lui qui, justement, aux dires du Christ lui-même, est « le plus grand parmi les enfants des hommes » !
          De qui, en effet, pourrait-on affirmer : « il vient après moi, mais, avant moi, il était ». Nous le savons : avant de naître, nous n’étions rien. Eh bien, lui, le Christ, tout en succédant à ceux qui l’ont précédé, existe avant eux ! Autre manière de rappeler que le fils de Marie est le Verbe éternel du Père qui subsiste éternellement, c’est-à-dire : sans avant ni après ! Impossible, dans ces conditions, de confondre Sa présence, Sa parole et Son œuvre, avec celles d’un autre, aussi saint et profond soit-il !
Reste, maintenant, à comprendre, concrètement, en quoi consiste l’originalité absolue et insurpassable du don de Dieu, qui nous est fait en Jésus Christ. Ce qui n’est pas si facile que cela, si on en croit le cardinal Biffi que je viens de citer. D’où l’exclamation du Christ devant la Samaritaine : « si tu connaissais le don de Dieu ! »
          Frères et sœurs, vous vous doutez bien qu’il est impossible, dans le cadre restreint d’une homélie, de répondre pleinement à cette question. En conséquence, c’est la responsabilité de chacun d’entre nous, de méditer ces choses, sérieusement et inlassablement, dans son cœur.
          Contentons-nous, ici, de dire un mot sur cette affirmation de Jean Baptiste : « moi j’ai été envoyé pour baptiser dans l’eau, Lui vous baptisera dans l’Esprit ! »
          L’eau nettoie… mais elle ne fait qu’aider celui qui se lave à retrouver sa splendeur initiale, elle ne la crée pas. Ou encore, l’eau fait pousser les plantes qu’on arrose, à condition cependant, qu’auparavant, un germe ait été semé en terre. Faute de quoi, il ne se passera rien.
          Voilà pourquoi le baptême de Jean n’est qu’un signe, invitant à la conversion. Bref, d’une part, son efficacité dépend entièrement de nos efforts pour nous convertir. Et, d’autre part, il aboutira, au mieux, à faire de nous des hommes justes et droits.
          A la différence de l’eau, l’Esprit – du moins Celui dont il est question dans la bible – est créateur : il « fait toutes choses nouvelles » ! Cela change tout.
          Prenons un exemple. Lorsque nous nous efforçons d’expliquer quelque chose de difficile à quelqu’un, nous voyons bien que nous sommes incapables de lui donner la faculté qui lui permettrait de saisir ce qu’on désire lui faire comprendre. Eh bien, Dieu, Lui, peut le faire. Et c’est précisément ce qu’il réalise en nous donnant l’Esprit. Sauf qu’il ne s’agit pas seulement d’intelligence, mais de cœur, puisque l’Esprit, dont parle l’Evangile, c’est l’amour du Père et du Fils dans la sainte Trinité. Ainsi s’accomplit ce que le prophète annonçait : « j’enlèverai votre cœur de pierre et je mettrai à la place un cœur de chair ». Mieux vaudrait dire : un cœur divin, c’est-à-dire un cœur qui sait aimer comme Dieu aime. Un cœur qui a soif, non plus seulement d’amour, mais, très précisément, de l’amour incréé.
En clair, tous les sages ou les prophètes, même s’ils sont authentiques, ne peuvent qu’exhorter, ou, comme le précurseur, nous conduire au Christ. Lui Seul nous fait naître à une vie nouvelle, c’est-à-dire qu’Il nous transporte dans une autre dimension, celle du ciel. Aussi bien, dans quelques instants, nous serons invités à nous approcher pour « manger et boire au banquet de la vie éternelle », ce qui, vous me l’accorderez, a une tout autre densité que de simples paroles ou promesses.
          Reconnaissons-le : la plupart du temps notre prédication consiste à dire aux autres : « il faut faire ceci ou cela, il faut se comporter de telle ou telle façon, il faut croire en ceci ou en cela… » Ou encore, elle vise à encourager, à remotiver… Eh bien, tant que nous en restons à ce niveau, nous ne sommes pas au cœur de L’évangile qui est, pour reprendre les paroles même du Christ, un feu qui se propage.
Alors, bien sûr, lorsque ce feu s’allume dans notre cœur, il est impossible de l’y contenir… Reste qu’il y a un abîme entre le fait d’aimer les autres, parce qu’on s’efforce d’être bons, tolérants, accueillants. Ou, au contraire, parce que la plénitude d’amour avec laquelle Dieu rempli notre cœur et le fait vivre par le don de l’Esprit, déborde, mieux vaudrait dire surabonde, gratuitement, et en même temps irrésistiblement.
          C’est cet amour-là – qui s’appelle la charité – que nous devons à nos frères humains. C’est celui-là qui fait de nous des témoins du Christ.

Fr Benoît-Marie Simon op.

G. BIFFI, Memorie e disgressioni di un italiano cardinale, CANTAGALLI, 2007, p.614.

Lien vers la liturgie florale du jour: Double vocation.