11 septembre 2022 – 24è dimanche du T.O., année C
Ex 32, 7-11.13-14 ; Ps 50 (51) ; 1 Tm 1, 12-17 ; Lc 15, 1-32
Homélie du frère Damien Duprat
Jésus nous parle aujourd’hui du pardon : une réalité à vivre ! Et puisque nous sommes tous pécheurs, nous sommes tous concernés. Tous nous sommes dans les deux camps : le camp de ceux qui ont besoin d’être pardonnés, et le camp de ceux à qui l’on a causé du tort et qui doivent donc réagir d’une manière ou d’une autre à ce mal qui nous a blessés. C’est pourquoi aucun de nous ne peut esquiver la question du pardon.
Ce n’est pas toujours facile de pardonner. En revanche, il y a des moments où nous prenons conscience d’avoir nous-mêmes commis quelque chose de mal. Peut-être avais-je quelques bonnes raisons d’agir comme je l’ai fait ; sans doute avais-je en vue un certain bien ; peut-être aussi qu’au moment d’agir je n’avais pas, présents à l’esprit, tous les éléments de la réalité dont j’aurais eu besoin pour bien discerner, pour bien choisir ; et dans ce dernier cas, il serait important de voir si cette ignorance elle-même était une faute de ma part, ou pas…
Voilà quelques exemples de questions que nous pouvons nous poser si nous faisons ce que l’on appelle un examen de conscience. Il s’agit de savoir si oui ou non j’ai fait quelque chose de mal, et autant que possible, d’évaluer mon degré de responsabilité. Peut-être ai-je été plus ou moins contraint par les circonstances, par telle personne… Alors ma responsabilité est peut-être réduite, peut-être qu’elle est seulement de 80 %, ou 50 %, ou 10 %… mais peut-être quand même pas 0 %. Je sais bien au fond de mon cœur que je me suis engagé personnellement, au moins en partie, dans le mal que j’ai commis ; et cela ne sert à rien que l’on me dise que ce n’est pas de ma faute : je sais que ce n’est pas vrai.
Alors j’ai ma faute devant les yeux ; et j’aimerais pouvoir remonter le cours du temps pour faire un autre choix : mais ce n’est pas possible ! Alors j’ai peut-être le sentiment de ne pas avoir d’issue, d’être comme devant un mur contre lequel je me heurte et qui me barre le passage…
Mais si je ne peux pas revenir en arrière vers le passé, est-ce que je peux quand même me retourner dans mon cœur, pour mettre derrière moi cette faute que je voudrais ne pas avoir commise ? En opérant une telle conversion, est-ce que je verrai devant moi un chemin de vie ?
J’éprouve le besoin d’être pardonné ; je constate que je n’ai pas d’autre issue pour vivre dans la paix. Et alors je peux m’estimer heureux d’avoir entendu ces paraboles de Jésus ; car ces paraboles sont non seulement de belles histoires, mais elles sont une révélation ; Jésus nous révèle que le Dieu créateur et souverain de toutes choses est un Père qui nous pardonne !
Si le Christ ne nous l’avait pas révélé, nous ne pourrions pas croire avec autant d’assurance que Dieu est miséricordieux ; Jésus nous révèle que nous pouvons nous adresser à notre Père des cieux et lui dire avec tout le regret, toute la contrition de nos cœurs : « Père, j’ai péché contre toi » ; et lui trouvera du plaisir et de la joie à nous faire miséricorde. Et souvent il est souhaitable que je fasse cet aveu aussi à la personne ou aux personnes à qui j’ai causé du tort.
Et pour que ma démarche ait vraiment du sens, qu’elle soit cohérente, il ne suffit pas que je regrette ma faute et que j’en demande pardon, même du fond du cœur ; il me faut aussi autant que possible réparer le mal que j’ai commis, rendre ce que j’ai volé, rétablir publiquement la vérité concernant la personne que j’ai calomniée… c’est seulement à cette condition que je rétablirai autant que possible la justice. Et cette réparation peut parfois demander du temps, même après que j’ai été pardonné
Si j’ai fait ce travail de vérité sur moi-même, je serai plus compréhensif envers les personnes qui m’ont offensé, car j’aurai expérimenté le chemin de conversion qu’elles sont invitées à emprunter pour retrouver la paix de leur âme.
Ayant bénéficié du pardon de Dieu, je saurai qu’il est beaucoup plus facile de reconnaître ses fautes quand on sait à l’avance qu’un pardon nous attend ; sinon, pour redonner à notre cœur un semblant de paix, on risque de s’inventer des échappatoires comme le mensonge, de fausses excuses, que sais-je encore… autant d’aliments qui ne peuvent rassasier notre âme…
Et donc, pour aider mon offenseur à regretter sa faute, je vais demander à Dieu la force de lui pardonner déjà, avant même qu’il me demande pardon.
Il ne s’agit surtout pas de se mentir en disant que l’autre ne m’a rien fait de mal ; car alors il n’y a plus de pardon à donner, et l’on n’est pas dans la vérité. Pour qu’il y ait pardon, il faut que le mal commis soit identifié comme tel.
Si Dieu a le pouvoir de pardonner tous les péchés, c’est parce que mystérieusement, tout péché, même commis entre des êtres humains, offense aussi Dieu ; c’est pour cela qu’il peut, lui le premier, nous faire miséricorde. Et si nous voulons avoir l’exemple d’un fils qui n’a pas besoin du pardon de son père, un fils qui est resté pleinement dans la fidélité à son père, nous avons sous les yeux l’exemple du Christ. Il nous montre que ce n’est pas toujours facile de rester vraiment fidèle à notre Père : notre chemin de fidélité à notre Père céleste peut nous amener à participer à notre mesure à ce que le Christ a vécu, jusqu’au don de sa vie, jusqu’à sa Passion et sa mort. Pourtant, même dans de telles épreuves, il nous sera toujours donné d’expérimenter la joie d’aimer notre Père et de bénéficier de sa miséricorde. Ayons le désir profond de goûter la joie, à la fois de recevoir le pardon de Dieu et la joie de pardonner.
Nous pouvons penser à ce passage du psaume 51 :
« Car mon péché , moi , je le connais
ma faute est devant moi sans relâche
CONTRE TOI , TOI SEUL , J ‘ AI PÉCHÉ
CE QUI EST MAL A TES YEUX , JE L ‘ AI FAIT »
qui induit la CONTRITION , INDISPENSABLE pour demander et recevoir le pardon de Dieu , toujours offert ;
Sans contrition ce pardon n ‘ est pas accueilli et le pécheur le reste , il ne devient pas Juste (cf St Luc XVIII 9-14 )