Prie et tu auras la force de prier

16 octobre 2022 – 29è dimanche du T.O., année C
Ex 17,8-13 ; Ps 120 (121) ; 2 Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8
Homélie du frère Marie-Philippe Roussel


© Cathopic

Avez-vous remarqué que les enfants ont toujours faim ? Qu’une sorte d’exultation non contrôlée les envahit à chaque fois que leur maman annonce le goûter ? Ce n’est pas étonnant. Tout être vivant perd son dynamisme de vie s’il ne reçoit pas sa nourriture d’ailleurs. Le lion se nourrit de gazelle, l’abeille de miel, la plante a besoin du soleil, pourtant loin de 150 millions de kilomètres. L’être vivant a besoin d’oxygène. Que ce soit son environnement ou sa nourriture, tout ce qui vit et respire a besoin d’autre chose que lui-même. Car c’est une règle de la nature que l’énergie pouvant être dépensée doit d’abord être absorbée. Notre intelligence était initialement un tableau vide. Le contact avec l’extérieur l’a remplie de connaissances. Pourquoi serions-nous alors étonnés que notre âme pour s’épanouir a besoin d’autre chose qu’elle-même ? Que notre force, notre vertu personnelle ne peuvent s’exercer qu’en étant appuyées sur ce qui nous rend fort, libre et bon ?

Ce contact de notre âme s’appelle la prière. Notre âme, sans prière, est privée de l’environnement divin, environnement de vérité, de force, de beauté, de sainteté et de pureté. Environnement de paix et de joie profonde. Voilà l’évangile, la bonne nouvelle de ce jour, annoncée par notre Seigneur : notre âme peut être en contact avec Celui qui est la source de tout bien, de tout bonheur, Dieu. Mieux encore qu’une possibilité, ce contact est une nécessité, un pain quotidien, le véritable aliment de notre intimité la plus profonde. Telle est la communion établie par la prière, à chaque fois que, seul ou à plusieurs, nous pensons ou nous parlons à Dieu, comme un enfant à son Père, comme un ami parle à son ami. Cela explique les mots du Christ : Priez toujours, ne vous découragez pas.

Si la prière est le repas de notre âme et Dieu notre aliment, tirons jusqu’au bout, voulez-vous, la comparaison avec la nourriture.

Tout d’abord, pourquoi prier ? Et donc pourquoi manger ? L’aliment pour nous est instrument de vie. Il se caractérise de trois manières : il est autre que nous-mêmes – nous ne sommes pas des carottes – , il est assimilable à nous – nous pouvons l’ingurgiter – , il doit se transformer pour devenir nous-mêmes – c’est le travail de la digestion. Par la prière, Dieu se montre l’aliment parfait de notre âme. Il est le Tout-Autre, Celui qui n’a pas son pareil sur terre puisqu’il transcende tout être créé. Il se rend assimilable pour devenir notre nourriture spirituelle : il a parlé par les prophètes, s’est rendu visible dans le buisson ardent et, ultimement, dans l’humanité du Fils éternel. Il s’approche de notre cœur par l’eau qui purifie, l’onction qui fortifie, par le signe du pain et du vin consacrés où il est véritablement présent. Mais contrairement à l’aliment terrestre, avec l’aliment céleste, ce n’est pas Dieu qui se transforme en nous, c’est nous qui nous transformons en Lui. Car ici, la vie reçue est infiniment supérieure à la nôtre. Prier devient alors aussi essentiel que de manger. Personne ne meurt de faim parce qu’il n’a pas pris le temps de manger. Personne ne devrait laisser dépérir son âme parce qu’il n’a pas pris le temps de prier. Celui qui est aveugle meurt à la vie de la vision, celui qui ne prie pas ne peut vivre à la vie de Dieu, à hauteur de Dieu.

Mais si prier nous donne un aliment, faut-il pour autant toujours prier ? Ou seulement quand on en a envie, l’occasion ? Je ne dirai pas que, comme pour les épinards, il faut se forcer. Soyons convaincus de trois points :
– la prière est toujours possible, quel que soit le temps et l’heure ;
– la prière est une nécessité vitale pour que la lumière de l’Esprit guide notre route, pour que les ténèbres du péché s’effacent devant elle ;
– la prière est l’œuvre du chrétien. Est chrétien celui qui dialogue avec le Christ Ressuscité, quotidiennement, avec persévérance. Prie sans cesse celui qui unit la prière aux œuvres et les œuvres à la prière, dit Origène.

Notre difficulté, ma difficulté, se situe dans le découragement. Je fais l’expérience, mes frères le savent, du découragement : c’est une expérience de chacun d’entre nous, le fameux à quoi bon ? Rarement dit cependant devant une assiette pleine. Notre Seigneur Jésus nous donne trois conditions pour persévérer. D’abord d’être importun auprès du juste juge, comme l’est la veuve vis-à-vis du juge malhonnête. Tel Jacob qui combattit toute la nuit avec l’ange, c’est-à-dire qu’il pria dans la ténèbre, refusant de lâcher prise avant d’avoir été béni. La prière est une sorte d’acharnement. Ensuite, comme Moïse baissant les bras à l’heure du combat, soyons appuyés sur le roc qu’est Jésus, soutenu par nos frères dans la foi. Notre cœur deviendra alors le véritable temple de Dieu, l’adorant en esprit et en vérité. Enfin, lisons l’Écriture, contemplons la foi transmise par l’Église et ses évêques comme le recommande saint Paul. Par elle, nous saurons être des disciples du Christ et agir comme tels. Par elle, nous saurons durer. Pas forcément toujours parler mais rester en présence de Dieu, dans l’église ou ailleurs. Être là, sachant que le Seigneur est là également. Comme sainte Thérèse de Lisieux à qui une sœur demandait sur son lit d’agonie et de souffrance : « Je vois que vous priez. Que dites-vous à Dieu ? – Je ne dis rien, je l’aime ». Puisque les personnes âgées fournissent des efforts prodigieux pour pouvoir mastiquer et ingérer la nourriture, il convient de faire de même pour revenir à Dieu et embrasser sa présence.

Chers frères et sœurs, ne perdons pas le contact avec Dieu, vivons-le avec d’autant plus de ferveur, au-delà de ce que nous ressentons. Sachons être épaulés dans cette œuvre qui est une œuvre de foi, sachons également soutenir autrui. Dieu veut nous donner sa paix et sa joie, notre âme espère sans cesse son aliment céleste. Ne le lui refusons pas et faisons cette joie au Sauveur pour que, quand il reviendra dans la gloire, il trouve cette foi sur la terre, ces âmes qui ne se lassent pas de prier. Amen.

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