Prudence et discernement…

Prudence et discernement…

Tend l'autre joue

Mt 5, 38-48

 » Si quelqu’un te gifle sur la joue droite,
tends-lui encore l’autre. »

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Homékie du jour

de Fr Arnaud Blunat: Prudence et discernement.

Version phonique:

Une erreur ne nous permet pas de diffuser l’homélie de Fr Arnaud Blunat. Nous nous en excusons.

Version écrite:

Prudence et discernement…

   La barre est trop haute ! Le défi est trop grand ! Jamais je n’y arriverai.

   Peut-être vous souvenez-vous d’avoir eu cette réaction lorsque, à l’école ou au collège, en cours de sport, vous deviez affronter l’épreuve du saut en hauteur, ou bien gagner celle du 100 mètres. Il y avait peut-être des camarades meilleurs que vous, ou d’autres moins bons.

   L’évangile d’aujourd’hui ressemble à ce défi sportif, à cet exploit insurmontable. Jésus met décidément la barre très haute : tendre l’autre joue, aimer son ennemi, lui vouloir du bien, n’est-ce pas au-delà de nos forces ?

   Moïse avait, lui aussi, exhorté, le peuple d’Israël à ne pas avoir de haine ni de rancune à l’égard de son frère. Car Dieu lui-même dit : « Soyez saints, car moi le Seigneur votre Dieu, je suis saint ».

   Les défis qui nous sont ainsi présentés doivent être compris avec discernement et prudence. Chaque situation doit être examinée attentivement et faire l’objet d’une évaluation ajustée. Il est en effet facile de dire qu’il ne faut pas riposter au méchant et accepter de tendre l’autre joue. La réalité est bien plus complexe selon les cas. Pour personne, il est évident de supporter les coups et les insultes. Si certains sont plus forts pour faire face à ces attaques, d’autres sont bien moins armés et peuvent plus vite perdre pied. Nous avons tous nos points de fragilité. Les coups portés par un tel n’auront pas le même impact que ceux portés par tel autre.

   En grande majorité, nous sommes enclins à faire sentir aux autres notre agacement, notre désaccord, notre déception, notre manque d’amour, et à déverser sur eux critiques, reproches et remarques acides.

   Mais certains sont coutumiers de cette violence morale, qui peut aller jusqu’à se traduire en paroles ou en gestes déplacés. Ceux qui usent et abusent de ces violences choisissent volontiers leurs victimes, et peuvent parfois déployer un arsenal de vexations, d’humiliations, qui révèle leur perversité.

   Ces formes de manipulation apparaissent désormais au grand jour et nous plongent dans la consternation quand elles sont le fait de personnes qui semblaient irréprochables et bénéficiaient même d’une aura de sainteté. Le doute et l’incompréhension s’emparent de nos esprits. Ce qui est était dissimulé et confiné dans le silence nous saute à la figure. Les langues se délient. Les témoins s’expriment. Les réactions se multiplient.

    Encore une fois, prudence et discernement sont plus que nécessaires. Les révélations en chaîne sont propices à la confusion et le Malin se complaît à entretenir ce climat de malaise. Plus que jamais la Parole de Dieu agit en révélateur mais elle nous invite à éviter toute précipitation attisée par l’emballement médiatique.

   Les nombreuses affaires qui éclatent ces temps-ci doivent nous permettre de bien prendre conscience d’une chose : le prix et la valeur de toute vie, le respect inconditionnel dû à chaque personne, la responsabilité qui incombe à tout un chacun sont des priorités indépassables.

   Saint Paul nous livre un trésor que nous pouvons méditer et faire nôtre : « n’oubliez pas que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ». Or le Temple est par définition un espace sacré, c’est-à-dire distinct, unique, que l’on doit respecter comme tel et ne pas profaner. Si chacun de nous est un Temple de Dieu, alors nous devons assurément l’aimer autant que nous-mêmes. Le péché peut nous éloigner de ce principe et de cette règle, mais en aucune manière il ne vient les remettre en cause ni les altérer. Ceux qui détruisent le Temple qu’ils semblaient vouloir défendre et protéger seront jugés à leur juste mesure. Dieu seul peut séparer l’ivraie du bon grain.

   Saint Paul situe sa réflexion dans le cadre de l’annonce de l’évangile, à l’époque où il y avait de grands orateurs qui pouvaient se payer de mots et se laisser emporter par leur orgueil et leur suffisance. Or l’évangile appelle à une exigence toujours plus grande, plus haute, en invitant chacun à se renoncer soi-même pour porter sa croix à la suite de Jésus. Toutefois cet évangile ne se veut pas être un fardeau impossible à porter, mais il propose à celui qui le peut d’aller plus loin dans le don de lui-même : donne ton manteau à celui qui te demande ta tunique. Fais 2000 pas avec celui qui te réquisitionne pour en faire 1000.

   Mais cela doit sous-entendre : n’impose pas à l’autre ce que tu ne peux pas faire toi-même. N’emprisonne pas l’autre dans tes exigences démesurées, dans ton fantasme de perfection, dans ton désir de sainteté. Aie conscience de tes propres contradictions. Sois le premier à te convertir.

   Prudence et discernement enfin, pour comprendre ce que nous dit aujourd’hui le psaume 102 : « le Seigneur est tendresse et pitié, il pardonne toutes tes offenses ». Il pardonne tout, en effet, sauf l’utilisation qu’on fait de son nom, de sa personne, de son Esprit, en masquant nos ténèbres dans sa Lumière. Car, tôt ou tard, la Lumière reprend ses droits. Elle seule triomphera.

Frère Arnaud Blunat o.p.

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