Le père Kim En Joong a intitulé la grande majorité de ses tableaux « Sans titre » pour laisser la personne regarder totalement elle même sans support, sans guide.
Que se passe t-il donc devant un tableau dit « non figuratif », faute de mieux ?
Cette définition négative conduit aussi le « regardant » à dépasser tous les repères, formats ou modèles préétablis. Il s’agit dans un premier temps de nettoyer le regard, de le purifier de toutes les images convenues, décoratives, reçues de mille manières depuis notre enfance. Nous en avons tellement l’habitude que c’est une seconde nature. Nous ne cessons d’être « formatés » pour voir la réalité selon les images dominantes de notre culture. Pour faire croire que la réalité est un écran de télé-réalité !
Regarder vraiment la peinture de Kim En Joong, c’est être purifié de toutes décoration, de toute banalité pour découvrir peu à peu que ce qui nous est donné à voir dans le tableau perce l’écran de nos modèles et ouvre à l’invisible au delà du blanc et du noir, au delà des couleurs et des traces, au delà du vide et du trait. Au delà même du cadre qui finit par circonscrire un pur appel ou un pur silence au delà des formes, au delà des mots. Il faut donc regarder longuement, contempler même cette nouvelle présence qui se livre à nous libre de toutes formes à priori.
Là s’opère un véritable retournement, un bouleversement, une « conversion ». l’invisible entre-aperçu dans la « trouée » devient passage de lumière. Lumière donnée comme une grâce par la source invisible pour venir littéralement regarder celui qui regarde. Cette lumière de grâce vient alors illuminer l’intérieur, l’intime, le « coeur » de notre vie.
C’est bien d’une « vie spirituelle » qu’il s’agit alors, qui se déploie vers la lumière reçue pour faire alliance de lumière. L’invisible au-delà vient faire alliance avec l’invisible à l’intérieur de soi. Et c’est à ce moment précis que le bouleversement devient prière et paix. Une harmonie nait comme une purification de tout l’être tourné et comblé par cette lumière reçue d’en haut.
Cette paix plus intime à soi-même que soi-même reformule le silence en éclat de joie.
L’appel de l’infini invisible est au-delà de toute nécessité et esquisse un don en pure gratuité. Don de lumière, lumière de l’amour.
Car l’amour infini devient cet humble amour caché, soudain lumineux, à l’intérieur de chaque personne, vainqueur de la laideur et de la haine du monde, libérant l’élan de liberté
qui transfigure notre vie.
Il me semble que c’est là que la peinture de Kim En Joong appelle le vitrail par qui la lumière d’en haut illumine le plus intime de notre vie qui est à l’image de ce Dieu infini, plus grand que toute forme, au-delà même de la figure du Christ car Dieu est l’invisible du Fils.
L’Évangile irise et irradie la lumière du Père et nous fait tressaillir de joie intérieure.
Fr. Gilles Danroc septembre 2009