Jeudi 26 novembre 2020
Férie de la 34è semaine du Temps Ordinaire
Ap 18,1…19,9a ; Ps 99 ; Lc 21,10-28
Homélie du frère Joseph-Thomas Pini
Faut-il vraiment insister, en rajouter ? En ces jours intermédiaires entre la fin de l’année liturgique et le premier Dimanche de l’Avent, comme une image du temps où nous nous trouvons personnellement et collectivement, les lectures s’accumulent avec leur cortège d’annonces rigoureuses, voire menaçantes. La pédagogie divine, relayée par les choix de lecture de l’Église, semble pesante, sans doute, en réalité, à la mesure de l’engourdissement des intelligences et de l’endurcissement des cœurs. Oui, cette vie et ce monde passent et ils y sont voués. Nous avons entendu Jésus prophétiser la ruine du Temple. Nous avons entendu, hier, la rude exigence de la suite du Christ et du témoignage qui Lui est rendu, cause de contradictions, d’adversité et de persécutions jusqu’au cœur de nos cercles de vie. Aujourd’hui, c’est la dévastation de Jérusalem qui est annoncée et de très dures épreuves pour ses habitants. Mais plus encore : à ceux qui imaginent pouvoir fuir le temps des bouleversements et de malheur pour la vie de ce monde, le Seigneur promet l’effondrement cosmique auquel nul ne pourra échapper. Le « désarroi » dont Il parle pour le peuple de Jérusalem sera de fait pour tous : le français liturgique vient ici traduire faiblement le terme grec original de nécessité (αναγκη), mot très fort exprimant la contrainte inévitable de l’ordre du destin et que les Anciens, Grecs et Romains, utilisaient aussi pour évoquer la mort.
Dieu mène-t-Il alors Ses enfants avec la menace du croquemitaine ? Certes non ! Car le plus important se trouve à la fin de notre péricope du jour comme de notre lecture de l’Apocalypse : « Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche », «Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau !». Contre l’évidence, mais en toute vérité, le message est une promesse de vie et une annonce de joie, et une invitation à la liberté des enfants de Dieu. Ce monde passe, et nous-mêmes sommes de passage en ce monde. Lui va vers sa disparition, parce qu’elle est inscrite en lui, parce qu’aussi il ira au bout du dérèglement du péché, et que les œuvres d’orgueil et d’injustice s’effondreront et s’écrouleront sur elles-mêmes. Nous, nous sommes en route vers la Jérusalem véritable et la place disposée pour nous, et nous ne pouvons ni ne devons nous fonder sur les sécurités illusoires et les assurances éphémères de ce monde, tirées d’œuvres ou de projets de la terre. Si nous prenons pour du sens l’agitation d’un monde qui n’aurait pour horizon que lui-même, c’est là que, comme des bambins, nous prendrions pour un grand voyage ce qui n’est que quelques tours de manège. Et le Seigneur vient, et Il est là ! Notre marche n’est pas une errance : car non seulement nous en connaissons le but, mais Dieu vient Lui-même à notre rencontre et Se fait chemin et compagnon de route. Tout ce que Jésus annonce à Ses disciples, Dieu l’a révélé à travers tous Ses prophètes et dans Sa sagesse depuis le grand cantique de Moïse dans le Deutéronome (Dt 32).
La nécessité n’est pas le poids d’un destin implacable et cruel. Elle est la force même de la Parole vivante de Dieu qui s’accomplit, vivifie et fait porter du fruit. Le dénouement du monde n’est que l’invitation pour nous au détachement et à la reprise de sens et de souffle dans l’axe et à la lumière du Seigneur. Sans peur ni découragement, car c’est le Dieu d’amour, de vie et de joie, notre Sauveur, notre Seigneur et notre ami qui vient, qui est là et qui nous ouvre Sa vie.