Résurrection et mort provoquée

17 mars 2024 – 5e dimanche de Carême
Lectures de l’année A:
Ez 37,12-14 ; Ps 129 (130) ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45
Homélie du frère Damien Duprat

Les lectures de l’année A pour les 3e, 4e et 5e dimanches du Carême sont spécialement adaptées au cheminement vers le baptême. Comme le propose la liturgie, nous avons pris ces lectures et non pas celles de l’année B.



L’Évangile que nous avons entendu nous donne une bonne occasion de passer en revue différentes significations du mot « résurrection ». Comme d’autres mots qui nous servent à exprimer notre foi, celui de « résurrection » est analogique, c’est-à-dire qu’il peut revêtir des sens distincts, quoique liés entre eux. J’en relève trois.

Commençons par ce que nous appelons habituellement la « résurrection » de Lazare. Il s’agit bien sûr de sa sortie du tombeau à l’appel de Jésus, comme nous venons de l’entendre. C’est bien sûr un événement extraordinaire, et pourtant Lazare est revenu à une vie terrestre ordinaire qui s’est de nouveau terminée par la mort ; ce miracle, si grand qu’il soit, n’était encore que le signe d’une œuvre merveilleusement plus grande que Jésus allait bientôt accomplir : je parle bien sûr de sa propre Résurrection.

Dans le Credo, nous disons : je crois à la résurrection de la chair ; cela signifie qu’un jour, plus personne ne sera dans l’état où nous place la mort, c’est-à-dire la séparation de l’âme et du corps. C’est là un second sens du mot résurrection. Telle est la foi de l’Église.

L’enjeu majeur de notre vie consiste à choisir de vivre cette résurrection avec le Christ. C’est Jésus lui-même qui nous le dit, un peu plus haut dans le même Évangile de Jean (5,28-29) : « l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront [la voix du Fils de l’homme] ; alors, ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés ». Il s’agit donc de croire en lui et de demeurer dans la fidélité à sa parole, afin de ressusciter avec lui. C’est le troisième sens du mot, le plus fort bien sûr, le sens plein, qui correspond à cette parole de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ». C’est ce que nous devons espérer de tout notre cœur par la vertu théologale d’espérance.

Cette vie bienheureuse avec le Christ, nous pouvons déjà l’expérimenter sur cette terre, dans la foi, malgré les épreuves de l’existence. Les saints du Ciel, quant à eux, même s’ils attendent la résurrection des corps, connaissent dès maintenant le bonheur d’être avec Dieu ; c’est ce qui nous autorise à leur confier nos prières, comme à des intermédiaires qui intercèdent en notre faveur.

Pensons aussi à ceux que nous aimons et qui ont quitté ce monde. Peut-être ont-ils encore besoin de nos prières pour entrer dans la lumière de Dieu. C’est pourquoi, depuis toujours, l’Église prie pour les défunts, à chaque messe dans la prière eucharistique. C’est aussi une raison importante des célébrations de funérailles. Voilà qui nous rappelle aussi l’importance de nous préparer durant toute notre vie à ce moment essentiel qu’est la mort.

Cela me mène à un sujet d’actualité qui ne vous a sans doute pas échappé. Il est probable qu’au cours de cette année, apparaîtra dans les lois de notre pays la possibilité de ce que l’on appelle pudiquement une « aide active à mourir ». Quoiqu’on puisse en dire, il s’agit ou bien d’administrer la mort à une personne qui en fait la demande, ce qui porte le nom d’euthanasie, ou bien de fournir à une personne un produit qu’elle prendra elle-même dans le but de mourir, et cela est un suicide assisté.

Que personne ne s’imagine qu’un tel projet de société puisse être compatible avec l’Évangile. Non : quelles que soient la culture et l’époque, l’amour mutuel que le Christ nous demande de vivre, la compassion véritable, ne saurait consister à provoquer la mort de ceux dont nous devons prendre soin, quand bien même ils nous en feraient la demande.

Que personne ne s’imagine non plus l’inverse, c’est-à-dire que seule notre foi fournirait des arguments contre un tel choix collectif, si bien que ces arguments seraient tous irrecevables dans le débat public. Il n’en est rien : même ceux qui ne partagent pas la foi de l’Église peuvent savoir par exemple que le serment d’Hippocrate, qui proscrit de telles pratiques, fut probablement élaboré en Grèce au IVe siècle avant Jésus-Christ. Faut-il aussi rappeler que la médecine actuelle dispose de moyens beaucoup plus performants qu’alors pour soulager la douleur ? C’est l’une des missions de ce que l’on appelle les soins palliatifs, domaine dans lequel le monde de la santé en France est hélas gravement déficient par manque de moyens.

Comment ne pas voir non plus qu’un tel projet souffre inévitablement d’une incohérence majeure ? Quand on tient pour légitime de satisfaire, dans certaines situations, la demande d’une mort provoquée, quelles raisons reste-t-il pour refuser ces mêmes demandes venant de personnes qui n’y sont pas « éligibles » ? Quelles raisons, sinon un encadrement législatif qui ne peut reposer que sur du sable et qui s’élargira inexorablement ? Sans compter que nous perdrons du même coup les raisons de maintenir une authentique politique de prévention du suicide.

Ne nous faisons pas d’illusion : l’enjeu n’est pas seulement la mise en place d’une nouvelle possibilité qui ne changerait rien pour ceux qui ne voudraient pas y recourir. De telles dispositions imposeront au contraire à tous un modèle de société où il deviendra normal d’administrer la mort à l’hôpital, en EHPAD ou même à domicile, à l’aide de produits disponibles en pharmacie, après que des médecins auront dû arbitrer pour décider que oui, on peut faire mourir telle personne. Il y a là un enjeu de civilisation, qui se manifeste déjà tragiquement dans les pays où des pratiques similaires sont désormais légales.

Ne sommes-nous pas appelés à considérer sérieusement de telles perspectives ? Demain, à 19h au Carrousel, vous est proposée une table ronde sur ce thème avec en particulier la participation du Dr Claire Fourcade, qui est déjà intervenue à ce sujet ici même, et surtout dans les médias nationaux.

Saint Paul nous rappelait, dans la seconde lecture, un privilège immense dont nous bénéficions par notre baptême : l’Esprit de Dieu habite en nous. Soyons à l’écoute de ce qu’il nous dit, et ayons à cœur d’offrir à tous la lumière qu’il nous donne.


Nous avons eu l’honneur d’accueillir au Centre Lacordaire le Dr Claire Fourcade, présidente de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), pour une conférence sur « Soins palliatifs et fin de vie ». Voici la vidéo de cette conférence:

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