Dimanche 7 janvier 2024
Solennité de l’Épiphanie
Is 60,1-6 ; Ps 71 (72) ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Homélie du frère Jean-Marc Gayraud
Nous connaissons aujourd’hui une augmentation de baptêmes d’adultes assez remarquable et significative et, plus généralement, une première découverte du Christ de la part d’un grand nombre de personnes, de jeunes adultes en particulier. Ces personnes viennent d’horizons très divers et ont une démarche chaque fois originale et personnelle. Leur regard sur le mystère de Dieu révélé en Jésus-Christ est souvent étonnant, émouvant, inédit. Il invite les accompagnateurs à une remise en question pédagogique, un renouvellement créateur, une redécouverte de leur propre démarche de foi.
Cela est une grâce pour l’Église comme la démarche des mages le fut à l’aurore de la révélation du mystère du Christ. Car ces mages viennent d’ailleurs et ne sont guidés que par le désir de découvrir le Christ, par l’étoile du désir de Dieu. Leur regard n’est pas celui des grands prêtres et des scribes, ces habitués des choses du Dieu d’Israël. Ils posent sur le mystère du Christ un regard différent, tout en étant pas moins disposés à se laisser enseigner par ces docteurs de l’époque.
L’ouverture universelle est congénitale à la foi chrétienne. Le mystère du Verbe fait chair peut et doit s’aborder de manière chaque fois différente suivant qu’il rencontre des réalités humaines, culturelles, historiques, personnelles, tout aussi différentes chaque fois. Une même foi pour une infinie diversité d’approches et de chemins. Et c’est bien parce que l’Évangile peut faire droit à chaque particularité humaine qu’il est véritablement universel.
Si ceci est vrai, il est donc constitutif de notre foi que de se laisser interroger par des approches qui ne sont pas les nôtres, au bénéfice de cette foi et de son inépuisable richesse. La particularité de l’autre, loin d’être un obstacle à l’universalité, la suscite au contraire, à condition qu’il s’agisse là d’une entreprise toujours réciproque et partagée. Car chacun de nous est toujours l’autre de l’autre. Le seul obstacle à l’universalité de la foi, c’est d’être enfermé dans sa différence, muré dans son particularisme, borné dans ses certitudes. Cela s’appelle l’intégrisme. Et un tel refus de l’autre et du différent donne prise à la violence meurtrière.
Voilà un évangile qui nous invite au grand large en nous mettant à l’école de ces chercheurs de Dieu que sont les mages. Ils n’ont pas hésité à se déplacer, à franchir les frontières qui séparent les hommes, les peuples, et surtout, à bousculer ces frontières du cœur et de l’esprit qui sont toujours les plus difficiles à déplacer. Ils sont passés par des tours et des détours, des arrêts et des remises en route. Ils ont connu les aspérités du chemin. Ils n’ont pas craint de s’exposer à l’inconnu et, en la personne d’Hérode, de se heurter aux pouvoirs et aux intérêts de ce monde. Mais leur espérance et leur persévérance étaient à toute épreuve et ils sont arrivés à bon port : il se sont prosternés et ils ont adoré le Roi de Gloire, le Seigneur Jésus.
C’est de nuit seulement que l’étoile pouvait briller et guider ces mages vers la crèche. C’est en acceptant de se dépouiller des assurances et des certitudes du jour qu’ils ont pu aller vers le Seigneur. C’est de nuit que l’étoile du désir de Dieu doit nous guider, une nuit qui purifie et authentifie le désir, qui rend disponible aux voies de Dieu, au trajet de l’étoile et non pas à notre propre itinéraire. C’est une nuit de silence et de désert, réceptacle pour une véritable rencontre avec le différent et l’inattendu, nuit qui dispose à se laisser surprendre par la nouveauté de l’Évangile. Car c’est par-dessus tout la nuit lumineuse où Dieu se manifeste sous les traits confondants et totalement imprévus d’un tout petit d’homme vagissant dans une mangeoire, une nuit qui bouleverse à jamais notre cœur, notre esprit, notre regard, notre vie.